Partons à la découverte de cette histoire de l’Islam au Japon peu connue, mais symbolique et passionnante.

Si aujourd’hui, les musulmans représentent à peine 0,1 % de la population japonaise, leur présence sur l’archipel s’inscrit dans une trajectoire historique très révélatrice des relations entre le Japon et le monde musulman.
🏯 Les premiers échos de l’Islam au pays du Soleil-Levant
À la fin du XIXe siècle, le Japon entame l’ère Meiji et s’engage dans une modernisation effrénée.
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Parmi les rares nations asiatiques à échapper à la domination coloniale, le Japon se rapproche alors d’un autre empire indépendant : l’Empire ottoman. Cette alliance entre deux puissances non-occidentales marque les premiers échanges entre Japonais et musulmans.
L’un des moments fondateurs survient en 1890 avec la visite du navire ottoman Ertuğrul, qui s’achève tragiquement par un naufrage au large du Japon. Cet événement, bien que dramatique, resserre les liens entre les deux peuples. Le rapatriement des survivants par des navires japonais symbolise une forme de solidarité qui va bien au-delà des intérêts diplomatiques.
C’est à cette époque qu’un journaliste japonais, Shotaro Noda, converti à l’islam sous le nom d’Abdul Haleem Noda, devient le tout premier Japonais musulman. Son histoire croise celle de nombreux intellectuels attirés par l’islam comme alternative spirituelle à l’influence occidentale. Des récits comme Kajin no kigû de Sanshi Tôkai popularisent une vision romantique et résistante de l’islam.
🌐 L’âge d’or de l’Islam au Japon (1905–1945)
La guerre russo-japonaise de 1905 transforme le Japon en héros du monde musulman, notamment aux yeux des populations opprimées par l’Empire russe. Des réfugiés tatars – musulmans turcophones d’Asie centrale – arrivent au Japon, fuyant la répression. L’un d’eux, Abd al-Rashid Ibrahim, devient en 1909 le premier imam du Japon.
Ces communautés s’organisent rapidement, notamment à Kobe, Tokyo et Nagoya, où elles créent des écoles, imprimeries et journaux. Cette diaspora participe activement à la construction des premières mosquées du pays, tout en diffusant la religion auprès des Japonais intéressés.
Dans les années 1930, le Japon devient le théâtre d’un islam organisé et visible. La Grande Mosquée de Tokyo est inaugurée en 1938 avec le soutien d’industriels japonais. Une école coranique, une imprimerie et une association religieuse viennent compléter ce paysage religieux en construction.
⚔️ Islam et propagande japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale
Durant la guerre, le Japon se présente comme un défenseur de l’islam face aux puissances chrétiennes occidentales. Cette stratégie s’inscrit dans sa vision d’une “Grande Asie orientale” libérée du colonialisme.
L’islam devient alors un outil idéologique pour séduire les populations musulmanes d’Asie occupée, comme en Indonésie ou en Malaisie.
🔄 Après-guerre : renaissance et diplomatie pétrolière
L’après-guerre est synonyme de répression : en effet, l’occupation américaine dissout plusieurs organisations musulmanes jugées trop proches des idéologies d’avant-guerre. Pourtant, certains intellectuels poursuivent leur travail, à l’image de Shūmei Ōkawa qui traduit le Coran depuis sa cellule de prison.
À partir de 1953, la communauté musulmane renaît officiellement avec la création de l’Association musulmane du Japon. Les années 1970, marquées par les crises pétrolières, voient le Japon se rapprocher stratégiquement des pays du Golfe.
Ce rapprochement entraîne un regain d’intérêt pour l’islam et une hausse des conversions.
🕌 L’Islam au Japon aujourd’hui
En 2023, on estime à environ 123 000 le nombre de musulmans au Japon. La majorité est composée d’étrangers – pakistanais, bangladais, indonésiens – installés pour le travail ou les études. Les Japonais convertis restent une minorité, mais leur nombre croît à travers des mariages mixtes ou de parcours spirituels personnels.
La cohabitation avec la société japonaise traditionnelle se fait dans l’harmonie, toutefois, l’enchaînement d’événements internationaux violents de ces dernières années ont pu raviver certaines méfiances politiques au Japon.
Dans ce contexte, les musulmans japonais adoptent souvent une attitude discrète, intégrant certains codes sociaux nippons tout en conservant leur foi.
Le pays compte aujourd’hui officiellement environ 80 mosquées, dont les plus emblématiques restent celles de Tokyo et de Kobe. Plusieurs associations, comme le Japan Islamic Trust, organisent des événements culturels, des pèlerinages et des actions de sensibilisation.
Et malgré des divergences théologiques, la communauté musulmane japonaise fait preuve d’unité dans un environnement laïc et homogène.
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