Héritée de croyances anciennes, cette tradition du Nyonin Kinsei continue de susciter des débats à l’ère moderne.
Le Nyonin Kinsei (女人禁制), littéralement « interdiction pour les femmes », est une pratique sociale et religieuse japonaise interdisant aux femmes d’accéder à certains lieux sacrés ou de participer à des rituels spécifiques.
Cette coutume suscite autant de curiosité que de débats. Pourquoi une telle restriction ? Quelles sont ses origines et son évolution ? Découvrons ensemble l’histoire d’une pratique venue des temps anciens.
🏞️ Origines et Symbolisme du Nyonin Kinsei
L’exclusion des femmes remonte au période Heian (IXe-XIe siècles) et trouve ses premières mentions officielles dans les règlements de temples comme celui du mont Hiei. Cette règle puise donc ses racines dans les traditions spirituelles japonaises, notamment le bouddhisme et le Shugendō, une pratique de montagne.
Ces lieux sacrés, comme les temples et sommets, étaient perçus comme nécessitant une pureté spirituelle. La notion d’impureté rituelle (kegare), profondément ancrée dans la tradition shintoïste, considère le sang menstruel ou celui de l’accouchement comme incompatibles avec le sacré, exigeant une séparation stricte entre impur et divin.
Le bouddhisme a renforcé cette exclusion en introduisant des concepts tels que les « Cinq Obstacles », selon lesquels les femmes ne pourraient atteindre la bouddhéité qu’en renaissant sous forme masculine.
Ces croyances ont été institutionnalisées par des règles monastiques inspirées du Vinaya, qui interdisaient tout contact entre moines et femmes pour éviter les tentations. Au fil du temps, ces interdictions se sont étendues à des espaces naturels sacrés, comme les montagnes, notamment le mont Ōmine.
Par ailleurs, au Moyen Âge, la hiérarchisation des rôles genrés dans les institutions religieuses a consolidé ces pratiques, transformant les temples majeurs en espaces strictement masculins.
Depuis cette époque de nombreuses histoires populaires japonaises relatent des catastrophes causées par des femmes ayant enfreint ces interdits. Par exemple, dans la légende du mont Haku, une femme aurait souillé le sol sacré et déclenché la colère divine.
Cette interdiction s’est ensuite étendue à des domaines culturels et professionnels, tels que :
- Le Kabuki : Les rôles féminins étaient historiquement joués par des hommes.
- La Brasserie de Saké : Les femmes étaient exclues des postes de maître-brasseur (tōji).
🏔️ Nyonin Kinsei dans les Montagnes et Sanctuaires
Aujourd’hui certains lieux emblématiques furent ou sont encore marqués du Nyonin Kinsei :
- Mont Ōmine (Nara) : Toujours interdit aux femmes, il reste un lieu central du Shugendō.
- Mont Fuji : L’interdiction a été levée à la fin de l’époque Edo.
- Mont Ishizuchi (Ehime) : Accessible aux femmes seulement lors d’une ouverture annuelle le 1er juillet.
- L’Île d’Okinoshima : cette île sacrée demeure interdite aux femmes.
Par ailleurs, des festivals comme le Gion Matsuri de Kyoto imposent encore des restrictions aux femmes pour certains rôles rituels ou quant à leurs simples participations.
🎭 Nyonin Kinsei dans le Kabuki et Sumo
Kabuki
Dans ce théâtre traditionnel, les femmes étaient exclues dès le XVIIe siècle, et les rôles féminins étaient incarnés par des hommes (onnagata). Si des initiatives modernes, comme des troupes féminines, émergent, la tradition perdure dans les grandes compagnies.
Sumo
Dans ce sport iconique, les femmes ne peuvent pas monter sur le dohyō (ring) en raison de sa sacralité. Cette règle a suscité de vives polémiques, notamment en 2018 lorsqu’une médecin venue secourir un maire victime d’un malaise sur le ring s’est vue ordonner de partir.
🏮 Contestation et Évolution du Nyonin Kinsei
Malgré les interdictions, de nombreuses femmes ont bravé ces règles, parfois à titre individuel, parfois dans le cadre de mouvements collectifs.
Les récits littéraires et théâtraux, tels que le Nô Dōjōji, relatent également des histoires de femmes utilisant le travestissement pour pénétrer dans des espaces interdits.
À l’ère Meiji, le gouvernement japonais a levé certaines interdictions, autorisant les femmes à escalader les montagnes sacrées dès 1872. Cependant, des résistances locales ont maintenu ces pratiques, comme au mont Ōmine.
À partir des années 1990, les revendications modernes ont pris une ampleur significative, portées par des associations féminines œuvrant pour l’abolition de ces restrictions, notamment dans le cadre de campagnes liées à l’inscription des sites sacrés au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Aujourd’hui, activistes et politiciens réclament l’égalité des sexes, s’appuyant sur l’Article 14 de la Constitution japonaise. Des initiatives notables incluent :
- L’ouverture du dohyō aux femmes dans le sumo.
- L’accès au mont Ōmine pour tous.
🌟 Quand les Hommes Sont Exclus… Le Danshi Kinsei
À l’inverse, certaines pratiques religieuses réservent leurs rites aux femmes.
Par exemple, à Okinawa, les Utaki (sanctuaires) sont gérés par des prêtresses Noro, illustrant l’importance des traditions matrilinéaires.
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