🎌 Langue japonaise à l’époque de l’Empire, l’outil de domination du kokugo

Le « kokugo » fait référence au japonais en tant que sujet enseigné dans les écoles, mais il est rarement utilisé au delà sauf dans les contextes juridiques.

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Le japonais (日本語, nihongo) est parlé aujourd’hui par un peu plus de 128 millions de locuteurs.

À l’époque d’Edo, les mots différaient grandement selon la région et les habitants n’avaient pas beaucoup conscience qu’ils appartenaient à une entité abstraite « le Japon ».

C’est à l’ère Meiji, débuté en 1868 avec l’intronisation de l’empereur Mutsuhito (1852-1912), que l’on a vu la naissance de véritables politiques linguistiques japonaises expansionnistes.

Depuis la fin des années 1890, le Japon a harmonisé son territoire et colonisé les pays voisins en Asie et a continué à imposer la langue, les systèmes sociaux, les pratiques sociales et les valeurs japonaises aux indigènes colonisés.

Le gouvernement d’alors pensait nécessaire d’unifier la langue afin de se moderniser, et a mis en place une politique visant à faire du japonais standard une version légèrement modifiée de la langue que l’on retrouvait autour de Tokyo.

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Une nouvelle vision de la langue japonaise développé à cette époque fût un élément clé de la formation et de l’unification de la nation mais aussi à l’exclusion des langues indigènes, des variantes du japonais standard et des langues des peuples colonisés :

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Après la défaite du Japon lors de la Seconde Guerre Mondiale, le pays a dû abandonner cette idéologie de domination linguistique. Partons ensemble à la découverte de l’influence de la langue japonaise en Asie à l’époque de l’Empire.

🎌 La langue japonaise à l’époque de l’Empire

Après la guerre sino-japonaise de 1894-1895, la politique linguistique de l’empire du Japon est devenue très active en faisant de la langue un symbole de pouvoir. C’est à partir de ce moment que le concept de « langue nationale » ou kokugo (国語) a été élaboré.

Afin de cultiver une conscience nationale, l’expression kokugo était alors plus souvent utilisée que l’e nom d’évocation de la langue japonaise.

Après avoir annexé Hokkaido, les îles Ryukyu et Okinawa, le Japon a imposé l’apprentissage obligatoire du japonais dans ses politiques d’expansion territoriale.

Dans ces territoires occupés, la maîtrise du « kokugo » est devenue la norme pour la civilisation et la loyauté envers l’empire japonais. En 1889, le Japon a d’ailleurs créé un Centre d’enseignement de la conversation en « langue nationale » (« kokugo »).

Destinée à la formation des enseignants, le centre a permis au gouvernement d’imposer la langue nationale dans les écoles et de promouvoir le culte de l’empereur en distribuant des portraits.

L’enseignement était dispensé en japonais standard et dans certaines langues locales au moyen de manuels bilingues. Le but était de supprimer les langues locales en adoptant une période de bilinguisme transitoire.

Tout enfant japonais qui utilisait un mot en dialecte se voyait remettre un écriteau en bois autour du cou. Cet écriteau est resté célèbre sous le nom de hogen fuda (方言札) :

hogen fuda

La situation des aïnous

On peut dire que les Japonais ont alors fait subir un traitement particulièrement dur aux Aïnous, autochtones du nord du Japon et d’Hokkaido.

Les Aïnous ont rapidement été soumis à un régime d’oppression, qui les a privés de leurs pratiques culturelles traditionnelles et de leur mode de subsistance ancestral, notamment la pêche et la chasse. Ils ont également été contraints de renoncer à leur langue et de prendre des noms japonais. En raison de l’enseignement obligatoire en japonais, la langue aïnoue, qui ne possédait pas de système d’écriture, a été abandonnée.

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En 1878, les Aïnous ont officiellement été appelés les « kyudojin », ce qui signifie les «anciens aborigènes». Le gouvernement japonais a proclamé sa souveraineté sur les territoires des Aïnous, justifiant l’annexion en 1886 en utilisant la doctrine de la Terra nullius, qui considère les terres comme « n’appartenant à personne ». En 1872, l’indépendance des Aïnous pris fin.

La situation des chinois

En 1931, l’expansion militaire a pris de l’ampleur. Elle visait principalement à affranchir les pays asiatiques de la présence européenne afin de les contrôler. De plus l’Empire avait besoin d’acquérir de nouvelles terres et de nouvelles sources de matières premières pour sa politique colonialiste.

Manchourie

Les Japonais y ont tenté d’imposer leur langue nationale en adoptant une politique linguistique plus tolérante qui admettait jusqu’à un certain point les langues locales: le mandchou, le chinois, le mongol et le coréen et le japonais.

Cette politique avait pour but de subordonner les langues locales à la langue japonaise proclamée kokka no gengo ou langue de l’État.

Le « Gakusei Yoko » ou Schéma du système scolaire, adopté en 1937, stipulait que soit accordée priorité à la langue japonaise dans tout le système d’éducation, considérant les «liens spirituels et vertueux» qui unissaient le Japon et le Manchoukuo, officiellement l’Empire de (Grande) Mandchourie (1934-1945) :

Manchoukuo

La monarchie constitutionnelle sous le contrôle de facto du Japon exigeait que les langues officielles soient le japonais, le mandchou (chinois) et le mongol, et que le japonais soit une langue plus importante que les autres.

Taïwan

En 1895, Taïwan est passé sous domination japonaise après la guerre sino-japonaise de 1894-95.

Le gouvernement général japonais à Taïwan a institué le Règlement sur les écoles communes en 1898, qui stipule que les objectifs fondamentaux de l’enseignement scolaire commun sont de dispenser une éducation morale et des compétences pratiques aux enfants taïwanais et les amener à bien maîtriser le « Kokugo ».

C’est dans les années 1930 que la politique linguistique pris de l’ampleur. Des révisions plus radicales telles que l’abolition de l’enseignement de la langue maternelle (le chinois) et l’intégration du système éducatif et du programme d’études avec ceux du pays d’origine.

Les autorités japonaises ont aussi alors obligé les familles à adopter des noms japonais et ont utilisé des moyens répressifs contre les populations aborigènes rebelles.

L’armée japonaise a bombardé les villages récalcitrants, utilisant des gaz mortels et relocalisant des villages entiers de haute montagne dans les plaines pour faciliter le contrôle de la population. Les Japonais ont également créé des «réserves» où les aborigènes ne pouvaient pas sortir et où les Chinois locaux ne pouvaient pas entrer.

En 1937, l’enseignement a été offert uniquement en japonais et des cours du soir ont été mis en place pour les enfants taïwanais qui ne parlaient pas suffisamment la langue japonaise.

Les résultats de la politique de japonisation ont été spectaculaires : en 1936, on estimait que 32% de la population de Taïwan parlait le japonais, puis 51% en 1940. Vers 1940, plus de 70% des jeunes aborigènes étaient scolarisés en japonais.

La situation des coréens

La domination japonaise en Corée a commencé en 1905 avec l’établissement d’un protectorat, et en 1910, l’empereur Sunjong a signé un traité d’annexion.

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Le Japon d’alors a rendu le japonais langue officielle, interdit l’enseignement de la langue coréenne et ont exigé que les écrivains coréens ne publient leurs œuvres qu’en japonais.

L’année suivante, le gouvernement général japonais en Corée a promulgué le Prescrit sur l’éducation en Corée.

Il oriente l’éducation morale et l’enseignement japonais, comme dans l’éducation taïwanaise, en stipulant que les pratiques éducatives fondent leurs idées fondamentales sur le Rescrit impérial sur l’éducation et enseignent aux Coréens à être des ressortissants impériaux pieux.

Le règlement de l’école primaire, révisé la même année, stipule que l’enseignement doit être dispensé en kokugo. Les élèves coréens devaient réciter en chœur le « serment des sujets impériaux » lors de l’assemblée du matin, s’identifiant ainsi comme de loyaux sujets de l’empereur japonais.

L’anglais, qui était auparavant enseigné en Corée, a été supplanté par le japonais et même interdit pendant un temps, tandis que l’allemand a été renforcé à la fin de la période de l’occupation japonaise.

La situation des peuples du Pacifique

En 1914, lorsque le Japon s’est engagé dans la Première Guerre mondiale, la marine japonaise a occupé les îles des mers du Sud, ou Micronésie, qui étaient sous domination allemande. En 1915, la marine japonaise a commencé à enseigner la langue et les chants japonais aux enfants des îles.

Le règlement de l’école primaire des îles des mers du Sud, adopté en 1914, met l’accent sur l’enseignement du « Kokugo » et l’éducation morale.

Ensuite, les îles Palau ont été placées sous mandat japonais et les Japonais y ont établi une base navale. Pendant l’occupation japonaise, le japonais est devenu une langue commune et son influence est toujours présente aujourd’hui.

Cependant, aux îles Mariannes et à Guam, les Japonais ont interdit la langue chamorro ainsi que toutes les autres langues locales, ce qui a rendu l’occupation difficile pour les insulaires : l’armée japonaise annonça par exemple que toute personne qui utilisait le dialecte local serait considérée comme un espion et fusillée.

Fait notable, le petit État d’Angaur a conservé le japonais comme langue co-officielle avec l’angaur et l’anglais.

La situation des indonésiens et philippins

De mars 1942 à 1945, l’Empire du Japon occupe les Indes orientales néerlandaises (actuelle Indonésie) et les Philippines.

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Aux Philippines, les Japonais ont dû faire face à une forte résistance armée et n’ont pas pu contrôler totalement le pays. Ils ont introduit leur langue et le tagalog dans le but d’éliminer l’espagnol et l’anglais en tant que langues officielles, mais leur brève occupation n’a pas suffi à établir leur langue aux Philippines.

Dans les Indes orientales néerlandaises, dans un premier temps, les locaux ont accueilli les Japonais comme des libérateurs, mais ils ont vite changé d’avis lorsqu’ils ont été victimes de torture, d’esclavage sexuel et d’autres crimes de guerre.

Les Japonais ont promu leur langue dans l’actuelle Indonésie alors en concurrence avec le tagalog. En quelques années les Japonais ont réussi à remplacer le néerlandais et à introduire leur langue.

L’occupation japonaise a marqué la fin de la colonisation néerlandaise et ses changements ont ouvert la voie à la révolution indonésienne de 1945.

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Auteur/autrice : Louis Japon

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