🗺️ L’Esclavage au Japon : une histoire millénaire méconnue

L’histoire de l’esclavage au Japon, bien que méconnue, offre un éclairage sur la société et l’économie nippone d’hier et d’aujourd’hui.

Esclavage au Japon Histoire

L’histoire de l’esclavage (奴隷制度) au Japon reste souvent dans l’ombre, éclipsée par les récits des traites négrières qui ont marqué l’Occident et l’Afrique.

Pourtant, à travers le statut de nuhi (奴婢) l’archipel nippon a connu diverses formes d’asservissement qui soulèvent de nombreuses questions.

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Servitude, servage et esclavage à proprement parler, les frontières sont parfois floues… Cet article propose un aperçu des évolutions historiques de l’esclavage au Japon, en examinant ses origines, ses transformations et ce qu’il en reste aujourd’hui.

📜 Les origines de l’esclavage au Japon (14 000 av. J.-C. – VIe siècles)

L’esclavage au Japon semble trouver ses racines dans les premières structures sociales. Les chroniques chinoises, comme le Wei Zhi (魏志), mentionnent l’envoi de « seikō » (生口, littéralement « bouches vivantes ») en Chine depuis le Japon dès le IIe siècle.

Ces personnes pourraient désigner des otages comme des esclaves, bien que le terme reste ambigu. En tous les cas ces échanges témoignent d’une organisation sociale primitive où la servitude jouait un rôle dans les relations diplomatiques.

L’époque Kofun (IIIe–VIe siècles) : mise en place des classes serviles

Avec l’unification progressive sous la cour de Yamato, des populations entières, regroupées sous le système beminsei (部民制), sont astreintes à des travaux pour le compte de l’élite.

Bien que ces individus soient souvent qualifiés de semi-serviteurs plutôt que d’esclaves au sens strict, leur dépendance envers leurs maîtres témoigne de formes précoces d’asservissement.

⚖️ Ritsuryō et institutionnalisation des nuhi (VIIe–IXe siècles)

Le droit chinois importé au Japon

Au VIIe siècle, le Japon adopte un système juridique inspiré du modèle chinois des Tang, appelé ritsuryō (律令).

Ce système classe la population en 2 groupes principaux : les citoyens libres (ryōmin) et les personnes de statut inférieur (senmin), parmi lesquelles figurent les nuhi (奴婢). Ces derniers sont aussi divisés en 2 catégories :

  • Kunuhi (公奴婢) : esclaves appartenant à l’État.
  • Shinuhi (私奴婢) : esclaves privés, propriétés d’aristocrates ou de temples.

Bien que leur achat et leur vente soient théoriquement restreints, des transactions informelles sont documentées. Les nuhi représentent alors une minorité de la population, mais leur statut reflète une inégalité sociale profondément ancrée.

Des affranchissements ponctuels

Sous l’influence du bouddhisme, certains empereurs comme Shōmu ou Kōken procèdent à des affranchissements massifs d’esclaves, témoignant d’un idéal religieux prônant la libération.

Cependant, il faut noter que ces actes restent symboliques et ne modifient pas durablement le système en place.

⚔️ Moyen Âge japonais : une évolution vers la servitude contractuelle

Entre le XIIe et le XVIe siècle, les famines et l’instabilité poussent de nombreux Japonais à se vendre temporairement (mi-uri, 身売り) ou à vendre leurs enfants pour échapper à la misère. Ce phénomène, bien que distinct de l’esclavage héréditaire, montre une dépendance économique extrême.

La traite par les wakō et les étrangers

Les wakō (倭寇), ces pirates opérant en mer de Chine orientale, participent également à la traite humaine. Des Japonais capturés ou vendus sont envoyés en Chine ou en Asie du Sud-Est.

L’arrivée des Portugais au XVIe siècle aggrave ce phénomène, certains Japonais étant même envoyés comme esclaves jusqu’à Macao ou Goa.

🏯 Époque Edo : vers des formes réglementées de servitude

Sous le shogunat Tokugawa (1603–1868), la vente d’êtres humains est officiellement interdite, mais des pratiques comme le nenki bōkō (年季奉公, service temporaire sous contrat) persistent.

Des familles pauvres louent la force de travail de leurs enfants ou contractent des dettes les condamnant à des formes prolongées de servitude.

L’essor des quartiers de plaisir, comme Yoshiwara à Edo, voit de nombreuses jeunes femmes vendues par leurs familles à des maisons de plaisir. Bien que légalement encadrée, cette prostitution s’apparente à une exploitation, où les femmes perdent toute autonomie.

🌏 Ère Meiji et impérialisme : abolitions et nouveaux systèmes

Avec la Restauration de Meiji (1868), le Japon abolit officiellement l’esclavage. En 1872, le Gyōshōgi Kaihōrei met fin aux contrats abusifs des prostituées et des geishas. Cependant, la pauvreté continue d’alimenter des formes indirectes de traite humaine.

Les karayuki-san : la traite internationale

Durant l’ère Meiji, des femmes japonaises issues de régions pauvres sont envoyées en Asie ou même jusqu’en Australie pour y travailler comme prostituées, souvent contre leur gré.

Ces femmes, appelées karayuki-san, symbolisent les formes d’asservissement économique persistantes malgré les abolitions officielles.

🌐 Seconde Guerre mondiale : le travail forcé et l’esclavage sexuel japonais

L’un des épisodes les plus sombres de l’histoire japonaise durant la Seconde Guerre mondiale concerne les Rōmusha (労務者), un terme japonais qui désigne des travailleurs forcés sous contrat.

Bien que ce mot signifie littéralement « ouvrier conscrit rémunéré », la réalité vécue, principalement des non-Japonais contraints de travailler pour l’armée impériale japonaise, s’apparente souvent à une forme de travail forcé extrêmement brutal : conditions inhumaines, absence de rémunération : ces pratiques s’apparentent à de l’esclavage.

Ce phénomène a été particulièrement marquant en Asie du Sud-Est, et notamment dans les Indes néerlandaises (aujourd’hui l’Indonésie), où le recours massif à ces travailleurs.

Les « femmes de réconfort »

L’armée impériale met également en place un système de prostitution forcée impliquant des milliers de femmes, principalement coréennes et chinoises, pour « servir » les soldats.

japon  femmes de réconfort

🔍 Héritages contemporains : ces formes modernes d’asservissement au Japon

Depuis 1947, la Constitution japonaise interdit explicitement toute forme d’esclavage. Les réformes démocratiques et la modernisation ont permis d’éliminer les formes traditionnelles d’asservissement.

Des ONG dénoncent des abus dans le cadre du Foreign Technical Intern Training Program, où des travailleurs étrangers subissent des conditions proches de l’exploitation : retenues sur salaire, confiscations de passeports, etc.

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Auteur/autrice : Louis Japon

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