Même Charlie Chaplin, en visite en 1954, n’a pas résisté au charme de la pêche au cormoran à Gifu. Alors pourquoi pas vous ?
Et si vous pouviez remonter le temps, le temps d’une soirée, pour assister à un rituel ancestral digne d’un conte japonais ? Bienvenue à Gifu, au cœur du Japon, où la pêche au cormoran – appelée ukai (鵜飼) – transforme chaque nuit d’été en spectacle féerique.
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Imaginez la scène : une rivière calme, des barques de bois glissant sous la lumière vacillante des torches, des oiseaux plongeant avec précision… L’ukai, pratiquée depuis plus de 1300 ans, repose sur une alliance unique entre l’homme et l’oiseau. Les maîtres-cormorans (ushō) guident leurs oiseaux à l’aide de cordes, récoltant les poissons directement de leurs becs.
Cette méthode, bien que spectaculaire, n’est pas là pour le folklore : elle est vivante, transmise de génération en génération, et encore pratiquée dans une douzaine de lieux au Japon – mais nulle part avec autant de panache qu’à Gifu.
| Où | Gifu, sur la rivière Nagara |
| Quand | Tous les soirs du 11 mai au 15 octobre (hors pluie / pleine lune) |
| Durée du spectacle | Environ 45 minutes (20h00 – 20h45) |
| Nombre d’ushō impériaux | 6 à Gifu (et 3 à Seki) |
| Nombre de cormorans par ushō | Jusqu’à 12 oiseaux par pêcheur |
| Poisson principal | Ayu (poisson doux, très prisé) |
| Type d’expérience | Culturelle, poétique, immersive, en bateau |
| Statut patrimonial | Bien culturel folklorique immatériel important du Japon |
Gifu : berceau et bastion de l’ukai
Gifu n’est pas qu’un décor de carte postale : c’est la capitale historique de la pêche au cormoran. Dès le XVIe siècle, le célèbre Oda Nobunaga y organisait des démonstrations d’ukai pour impressionner ses invités – une tradition que la ville perpétue aujourd’hui avec fierté.
Les maîtres-cormorans de Gifu ont même un statut unique : celui de “pêcheurs au cormoran impériaux”, un titre honorifique transmis au sein de six familles depuis l’ère Meiji. Oui, ces pêcheurs sont officiellement liés à la Maison impériale japonaise !
Une saison rythmée comme un festival
La pêche commence chaque année le 11 mai, avec une cérémonie shintô, des danses en yukata et un feu d’artifice signalant le début du spectacle. Pendant cinq mois, chaque soir (sauf en cas de pluie ou de pleine lune), les barques illuminées s’élancent sur la Nagara.
Vers 20h, les six barques des ushō prennent le large. Les cris rituels “Ho-ho… ho-ho…” résonnent, les cormorans plongent, l’eau s’agite… Le clou du spectacle ? Le final en formation serrée, appelé “sōgarami”, où tous les cormorans ratissent ensemble la rivière. Un feu d’artifice clôture la soirée dans un tonnerre d’applaudissements.
Les maîtres-cormorans ne sont pas de simples pêcheurs : ce sont des artistes, des héritiers et des soignants à la fois. Vêtus de tenues traditionnelles, maniant 12 cordes et autant d’oiseaux, ils orchestrent un ballet millimétré où chaque geste compte.
Leur quotidien ? S’occuper des cormorans 365 jours par an, les nourrir, les entraîner, et vivre en symbiose avec eux. Malgré un revenu symbolique, leur passion pour cette tradition millénaire ne faiblit pas.
Les véritables stars : les cormorans 🐦
Ces oiseaux ne sont pas des machines : ils sont choyés comme des athlètes VIP. Chaque cormoran est apprivoisé avec patience, câliné, nourri avec soin, et gratifié après chaque pêche.
Et ils ne sont pas forcés à jeûner : un collier empêche juste d’avaler les gros poissons – qu’ils recrachent au pêcheur – mais ils peuvent garder les petits comme récompense. Une belle collaboration, où l’animal et l’homme travaillent en harmonie.
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