Le Japon est reconnu pour son efficacité et son service, mais si cela implique des vies brisées, il est temps de redéfinir les priorités.

La tragédie survenue dans un 7-Eleven d’Oita ne laisse personne indifférent. Le suicide d’un gérant de magasin de 38 ans, après six mois sans un seul jour de repos, a été officiellement reconnu comme un cas de karōshi – mort par surmenage.
Voilà un drame au cœur des dérives systémiques où la commodité des consommateurs prime trop souvent sur la santé de ceux qui la rendent possible.
Un quotidien écrasant : les derniers mois d’un gérant épuisé
Le jeune gérant s’est donné la mort après une période d’extrême surmenage. Selon l’enquête menée par l’Inspection du travail nippone, il souffrait d’une profonde dépression due à un rythme de travail ininterrompu. Marié depuis mars 2021, il n’avait presque jamais de repos, et les six derniers mois de sa vie, il n’a pas eu un seul jour de congé.
Pourquoi ? Par manque de personnel, en particulier pour les shifts de nuit. Il devait donc combler lui-même les absences pour maintenir l’ouverture continue de son magasin. Un choix imposé par le modèle de franchise, mais aussi par la culture de service omniprésente au Japon.
Une lettre d’adieu bouleversante
Dans sa lettre, il écrit :
- « Les longues heures sans pause sont la norme »
- « Peu importe mes efforts, c’est trop dur pour moi »
- « Être gérant de konbini, c’est juste une autre forme d’exploitation »
À la maison, il dormait à peine deux heures par nuit, répondait à des appels liés au travail, criait dans son sommeil. Il perdait l’appétit et lorsqu’on l’interrogeait sur son état, il répondait simplement : « Ça va. »
Des signaux d’alerte clairs, mais noyés dans le bruit d’un système implacable.
Une industrie sous tension
Les konbini sont devenues indispensables au Japon : factures, retraits d’argent, repas, livraisons… tout y est accessible 24h/24.
Mais derrière cette accessibilité se cache une autre réalité : celle d’un modèle qui repose sur un personnel de moins en moins disponible.
Le Japon fait face à une pénurie de main-d’œuvre due à un vieillissement rapide de sa population. Ce déséquilibre frappe de plein fouet les commerces ouverts en continu, où les gérants doivent souvent pallier eux-mêmes les absences. Le cas de ce gérant n’est malheureusement pas isolé.
📉 Modèle en déclin ?
Un autre propriétaire de 7-Eleven, âgé de 57 ans, avait dû fermer temporairement son magasin entre 1h et 6h du matin, provoquant des tensions avec le siège. Il disait travailler jusqu’à 38 heures d’affilée… Ce genre de témoignage ne peut plus être ignoré.
Un flou juridique et moral : la responsabilité du siège
Le plus troublant, c’est que les heures de travail du gérant décédé étaient transmises au siège, comme le prévoit le protocole. Pourtant, aucune alerte, aucun signalement.
Interrogée, la société mère Seven & i Holdings a déclaré ne pas être informée de la décision de l’Inspection du travail, ajoutant que « cela relève de la gestion des franchisés, pas du siège ».
Une déclaration glaçante. Si les données sont collectées mais qu’aucune action n’est entreprise, où commence et où s’arrête la responsabilité du groupe ? Peut-on continuer à bénéficier des profits d’un réseau sans se soucier de la santé de ceux qui le font vivre ?
Une réforme nécessaire, un réveil collectif
La mort de ce gérant relance une question cruciale : faut-il vraiment continuer à faire fonctionner des commerces 24h/24 dans un pays où la main-d’œuvre diminue ? Les lois existent, mais les failles aussi. Dans ce cas précis, une clause permettait de travailler cinq jours fériés par mois, contournant ainsi les règles sur les jours de repos.
Des ajustements s’imposent :
- Réduction des horaires dans les zones à faible affluence
- Mise en place d’un suivi automatique et humain des données de travail
- Encadrement plus strict des franchises
- Dialogue national sur ce que signifie vraiment « service de qualité »
Ce drame n’est pas un cas isolé, mais le révélateur d’un système à bout de souffle. Il oblige à poser une question essentielle : jusqu’où est-on prêt à aller pour être servi à toute heure ?
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