Le bouddhisme tantrique ne se résume pas généralement aux seules écoles tibétaines. Elles se sont transmises et fortement développés au Japon.
Les tentatives de la cour de Nara d’utiliser le bouddhisme comme un pacificateur complice dans la poursuite des objectifs de l’État s’étaient soldées par un échec.
Les dépenses excessives engagées pour ériger des temples massifs et commander l’iconographie avaient mis en faillite le trésor public.
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La cour de Heian-kyo se méfiait alors à juste titre du bouddhisme, du moins sous toute forme institutionnalisée.
Les tentatives bouddhistes d’intrigues politiques avaient failli aboutir à une dictature religieuse. Ainsi seuls deux temples bouddhistes étaient autorisés dans les limites de la ville : le temple To et le temple Sai, situés respectivement à l’est et à l’ouest de Rashomon, la porte sud de Heian-kyo.
Les moines Saicho et Kukai
Le mécontentement à l’égard du bouddhisme scolastique des sectes de Nara fut également exprimé…
Une ambassade en Chine approuvée par l’Empire en 804 comprenait les moines Saicho et Kukai (qui reçut le titre posthume de Kobo Daishi – 弘法大師). Les deux moines étaient résolus à étudier et à assimiler la pensée bouddhique chinoise contemporaine.
Saicho étudia les enseignements de la secte Tendai (天台宗). Leurs croyances constituaient une importante synthèse du bouddhisme Theravada et Mahayana, mettant l’accent sur l’impermanence de toutes choses, une réalité ultime au-delà de la conceptualisation, et une unité fondamentale des choses. Les pratiques de méditation étaient censées conduire à l’illumination. Le Sutra du Lotus était considéré comme le texte principal de la secte.
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Saicho revint au Japon en 805 et demanda à la cour d’établir un monastère Tendai sur le mont Hiei. Sa requête fut accordée, mais l’empereur exigea de Saicho qu’il inclue certaines pratiques ésotériques dans le Tendai.
Fortement influencées par les croyances, les méthodes de prière et l’iconographie hindoues, des croyances bouddhistes dites ésotériques étaient encore en cours d’assimilation par les bouddhistes chinois de l’époque.
Kukai se consacra à la maîtrise de ces croyances relativement nouvelles auprès du maître chinois Huiguo et fonda le Shingon. De retour au Japon en 806, plus d’un an après Saicho, Kukai fut accueilli comme un maître ésotérique.
Par la force de sa personnalité et l’attrait de ses enseignements, il éclipsa Saicho en popularité jusqu’à ce que des différends sur des questions doctrinales et un étudiant conduisent à la rupture de la relation et scindant les croyants en deux communautés : Tendai et Shingon (眞言).
Tendai et Shingon : au cœur du bouddhisme ésotérique japonais
Quelles que soient les différences particulières que l’on trouve entre Tendai et Shingon, les deux écoles sont regroupées sous la catégorie centrale du mikkyo (密教), ou bouddhisme ésotérique : l’école Shingon par référence au temple To-ji (東寺) qui est un des centres du culte, et le taimitsu (台密) qui est pratiqué, comme son nom japonais l’indique, dans l’école Tendai.
Le terme mikkyo est une traduction générale de plusieurs termes indiens possibles. Proche du bouddhisme vajrayana qui s’est développé principalement au Tibet. Le mikkyo est un tantrisme dit de la main droite, car n’utilisant pas de pratiques sexuelles.
Aucun des deux systèmes de croyance, tels qu’interprétés au Japon, ne copie rigoureusement les versions chinoises dont ils sont issus; ce sont des synthèses créées par les moines Saicho et Kukai.
Ce bouddhisme ésotérique s’appuie fortement sur la visualisation ainsi la création d’un environnement de culte était essentielle. L’utilisation de mandalas, exprimés à la fois en deux dimensions sous forme de peintures et en trois dimensions sous forme d’ensembles de sculptures, invitait le croyant au cosmos spirituel.
Un principe central de l’enseignement ésotérique était la non-dualité du Bouddha. Quelles que soient les manifestations, le phénoménal et le transcendantal sont les mêmes. Le but de la pratique spirituelle était d’unir ce qui semblait être des royaumes séparés pour les non-initiés.
Ainsi, l’une des images iconographiques les plus importantes était le ryokai mandara composé de deux parties – le kongo-kai ou monde du diamant et le taizo-kai ou monde de l’utérus – qui organisaient les divinités bouddhiques et leurs relations dans une configuration prescrite en forme de grille :
Ces divinités ou entités spirituelles dépeintes dans ces peintures jumelées représentent, dans le kongo-kai, le domaine de l’illumination transcendante et claire et, dans le taizo-kai, les aspects humains et compatissants du Bouddha.
C’est la pratique méditative répétitive du voyage à travers et de l’assimilation viscérale de ce cosmos symbolique et schématique qui pouvait conduire le croyant à une illumination.
Développement du bouddhisme ésotérique au Japon
Les praticiens de l’ésotérisme étant initialement relégués dans les régions montagneuses à l’extérieur de la capitale, la disposition et l’architecture de leurs temples variaient considérablement par rapport à l’architecture plate des temples de Nara et, par conséquent, par rapport au style chinois.
L’emplacement et la structure étaient adaptés au terrain accidenté, créant ainsi des solutions uniques. Ironiquement, cet individualisme relatif du style était une subtile perturbation symbolique des tentatives de la période Nara visant à disperser hiérarchiquement le pouvoir par des moyens visuels.
La nature hautement syncrétique du bouddhisme ésotérique considére les aspects nouménaux des religions indigènes comme des émanations ou des manifestations de l’essence du Bouddha. Plutôt que de se confronter et d’entrer en concurrence avec les divinités et les systèmes de croyance indigènes, le mikkyo s’est volontiers adapté et a inclus leurs caractéristiques.
Les rituels magico-religieux, ainsi que l’accent mis sur les rites purificatoires et exorcistes, reflétaient et brodaient sur certaines fonctions de la religiosité populaire indigène existante, renforçant encore l’attrait du bouddhisme ésotérique auprès des aristocrates japonais.
Par exemple, le Shinto, la principale religion contemporaine japonaise avait une iconographie très limité. Jusqu’à la période Heian, les kami, divinités Shinto étaient largement considérées comme des esprits invisibles, souvent sans forme, qui habitaient ou personnifiaient des phénomènes naturels…
Le bouddhisme ésotérique, cependant, a encouragé l’inclusion des divinités Shinto dans une sorte de tandem subordonné avec les divinités bouddhistes dans une variété de représentations visuelles. Cette incorporation des kami Shinto a non seulement servi de reconnaissance des croyances indigènes, mais a également augmenté la portée thématique de l’art bouddhique, en particulier la peinture de paysage.
Le bouddhisme ésotérique offrait aux aristocrates japonais sceptiques un système de croyances compatible qui semblait ne poser aucun défi à l’ordre politique d’Heian-kyo…
Des rituels pour la protection et la prospérité de la nation furent conçus par Kukai. En effet, le nom officiel du temple To, Kyoogokoku, peut être traduit par Temple pour la défense de la nation par le roi des doctrines.
Bien que Kukai et Saicho aient été initialement tenus à distance dans des monastères de montagne éloignés, le gouvernement a accordé une autorité d’ordination indépendante à la secte Tendai en 822, et en 823, Kukai a été nommé par l’empereur à la tête du temple To, à la porte sud de la capitale :
Ces deux développements marquent la fin du pouvoir bouddhique de Nara et ont revitalisé l’attraction japonaise pour la foi.
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