🌀 Renga vs Renku : deux salles, deux ambiances

Renga = noble, long, codifié, réservé à l’élite. Renku = vivant, collectif, créatif, ancré dans le réel.

Renga vs Renku

Si tu aimes te perdre dans les coins feutrés de la culture japonaise, entre un haïku de Bashō et un manga feuilleté entre deux cafés, tu es peut-être déjà tombé sur ces deux mots qui se ressemblent étrangement : renga et renku.

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Deux formes de poésie japonaise liées, presque jumelles… mais séparées par des siècles d’histoire, un changement social majeur et une petite révolution créative.

🏯 Le renga : poésie de cour et règles d’or

Le renga (連歌), littéralement “chants enchaînés”, naît au Japon médiéval. C’est une forme de poésie collective, où les poètes s’alternent pour composer un long poème, en enchaînant des vers 5-7-5 puis 7-7. Ça te rappelle quelque chose ? Oui, le tanka – le renga en est une extension collaborative.

Mais attention, on est loin du freestyle : au temps des époques Kamakura et Muromachi, le renga devient une institution aristocratique. Un maître de cérémonie valide les enchaînements, une hiérarchie s’impose, et les règles sont si précises qu’elles définissent combien de vers doivent passer avant de reparler de la lune ou des fleurs. On écrit en waka, dans une langue poétique et raffinée.

Le hokku (la première strophe, en 5-7-5), deviendra plus tard ce qu’on appelle aujourd’hui… le haïku.

Le renga, c’est donc la forme classique par excellence : longue, sérieuse, ritualisée, et exclusivement réservée à une élite lettrée.

🛤️ Haikai no renga : quand la poésie se détend

Mais comme souvent, trop de règles tuent la créativité. Petit à petit, les poètes commencent à ressentir le besoin de respirer. À l’époque Edo, le Japon se transforme : urbanisation, culture populaire, nouvelles formes d’expression… Le haikai no renga naît alors, une version plus libre et plus drôle du renga.

Même structure, mais ton plus léger, langage du quotidien, place à l’humour, au banal, à l’étrange parfois. On parle de la pluie, du thé, d’un chat qui passe.

C’est dans ce contexte que Bashō brille. Et c’est à partir de cette branche que va éclore ce qu’on appelle aujourd’hui…

👟 Le renku : même structure, nouveau souffle

Le renku (連句), c’est l’évolution logique du haikai no renga. Une forme moderne de poésie en chaîne, tout aussi collaborative, mais décomplexée. Moins codifiée, plus accessible, plus ouverte au monde réel : la nourriture, les saisons, l’amour, les blagues. Oui, même un peu de vulgarité parfois, selon l’époque.

Le format le plus courant ? Le kasen, une chaîne de 36 vers, avec des thèmes obligatoires (la lune, les fleurs, l’amour…), mais dans une atmosphère bien moins solennelle. Un atelier poétique entre passionnés, plutôt qu’un rituel aristocratique.

Le mot “renku” s’impose notamment à partir de l’époque Meiji, quand le terme “haikai” commence à désigner uniquement le hokku-haïku. Il fallait un nouveau mot pour nommer la chaîne poétique “détendue”. Ce sera renku.

🔍 Renga vs Renku : en clair, quelle différence ?

Voici un tableau pour t’y retrouver facilement :

🏯 Renga👟 Renku
Moyen Âge (culture de cour)Époque Edo (culture populaire)
Sérieuse, raffinée, codifiéeLibre, quotidienne, humoristique
Longs poèmes (jusqu’à 100 vers)Souvent 36 vers (kasen), flexibles
Vocabulaire waka, très littéraireLangue du quotidien, vivante
Élites lettrées, cadre cérémonielGroupes ouverts, ton collaboratif
A donné naissance au haïku (via hokku)A inspiré des formats collectifs modernes
Solennelle et hiérarchiséeLudique, vivante, modulable

👉 Métaphore express : Le renga, c’est la cathédrale ; le renku, c’est le loft aménagé dans la même pierre.

Parce que le renku incarne tout ce qu’on aime dans la création collaborative version 2025 :

  • C’est collaboratif : le renga/renku, c’est l’ancêtre du salon d’écriture Discord. On écrivait déjà à distance au Japon médiéval (“bunnin”, la composition décentralisée).
  • C’est modulaire : des formats courts (tan-renga), moyens (12-22 vers) ou longs (36+), selon ton groupe et ton énergie.
  • C’est méta : chaque vers doit faire écho au précédent, mais aussi préparer une rupture. On est dans le montage poétique.
  • C’est référencé : lune, fleurs, saisons, amour… c’est le sample de la poésie japonaise.

🧠 Comment reconnaître qui est qui ?

Trois réflexes simples :

  1. Trop de règles ? On parle sûrement de renga (référence au Tsukuba-shū, langage waka…).
  2. Présence de Bashō, ton plus vivant ? → C’est du renku.
  3. Poésie collaborative, 36 vers, ton détendu ? Même si on te dit “renga”, c’est probablement du renku (l’usage hors Japon est souvent flou sur le nom).

✍️ Et si on s’y mettait, nous aussi ?

Le plus beau, dans tout ça ? Tu peux en écrire un aujourd’hui.

  • Prends la structure du renga : alternance 5-7-5 / 7-7, thèmes de saison.
  • Garde le ton du renku : accessible, pop, joyeux, même un peu absurde.
  • Fais-le en français, en ligne, avec des amis.

Un format du XIVᵉ siècle, remis au goût du jour ? C’est tout à fait possible. Et c’est le genre d’hybridation que la culture J-pop actuelle adore.

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Auteur/autrice : Louis Japon

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