Et si l’année ne commençait pas vraiment le 1er janvier ? Au Japon, après Ōshōgatsu, un second Nouvel An pointe le bout de son nez !

Le Koshōgatsu, célébré autour du 15 janvier, à l’occasion de la première pleine lune de l’année. Moins connu que son grand frère, il n’en est pas moins riche de sens. Imaginez un subtil mélange de rituels agricoles, de feux de joie, de mochi grillés et d’un brin d’humour ancestral.
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Bienvenue dans un Nouvel An en version « after chill », où l’on remercie les dieux… tout en rigolant un peu au coin du feu.
🎍 Ōshōgatsu vs Koshōgatsu
Le Ōshōgatsu, c’est le Nouvel An officiel, celui des grandes résolutions, des visites aux temples et des festins en famille. Il célèbre l’entrée dans l’année nouvelle avec des souhaits de bonheur personnel. En revanche, le Koshōgatsu a une autre vocation : il est tourné vers la nature, les récoltes et le renouvellement cyclique. C’est une fête plus discrète, qui servait historiquement à remercier les divinités rurales pour leur présence et à prier pour une année fertile.
Le 15 janvier marque symboliquement la fin de la période festive (dite matsunouchi), et c’est le moment choisi pour rendre hommage au Toshigami-sama, la divinité de l’année, en le raccompagnant dans l’au-delà avec respect et gratitude. Le Petit Nouvel An ne vient pas diminuer le Grand, il le complète avec poésie.
🔥 Le feu comme lien entre le ciel et la terre
La tradition la plus spectaculaire du Koshōgatsu reste sans conteste celle du Dondoyaki, un feu de joie collectif où l’on brûle les décorations de Nouvel An : kadomatsu, shimenawa, talismans et même les calligraphies faites par les enfants début janvier. Ces objets, investis de sens, ne sont pas jetés, mais confiés aux flammes pour une purification symbolique.
La nuit du 15 janvier, dans le froid de l’hiver, les villages et sanctuaires s’illuminent de bûchers crépitants. La fumée est censée porter les prières vers les dieux, et raccompagner le Toshigami dans son royaume céleste. Autour du feu, les habitants se rassemblent. Les plus jeunes font griller des mochi sur des piques en bambou. Ces petites douceurs croustillantes à l’extérieur et fondantes à l’intérieur sont censées protéger des maladies. Les plus grands, eux, se réchauffent avec du saké chaud ou du shōchū, et échangent rires et souvenirs dans une ambiance presque « camping shintō ».
🍲 Azuki-gayu et traditions divinatoires
Le matin du 15 janvier, dans de nombreuses familles, on préparait un plat bien particulier : le azuki-gayu, une bouillie de riz aux haricots rouges. Cette couleur rouge, censée repousser les mauvais esprits, était un remède autant spirituel que nutritionnel.
Mais ce petit-déjeuner cachait aussi une dimension divinatoire. On y plongeait des tiges de bambou creuses pendant la cuisson. Selon la quantité de gruau restée collée à l’intérieur, on prétendait deviner la richesse de la future récolte de riz. Poétique, non ? Un peu de riz, un soupçon de superstition, et une grande cuillerée d’espoir.
Les foyers se paraient également de mayudama, des branches de saule garnies de boules de mochi colorées. Ces « fleurs de cocons » symbolisaient l’abondance à venir, notamment dans la production de soie. À la fin de l’hiver, certaines familles faisaient même frire ces décorations pour les manger. Une déco zéro gâchis, totalement instagrammable et, pourquoi pas, délicieuse.
😈 Démons, bâtons et sagesse musclée
Le Koshōgatsu a aussi donné naissance à des coutumes plus… inattendues. Dans certaines régions, des villageois se déguisaient en démons pour effrayer les enfants et les inciter à être sages. À Oga, les célèbres Namahage incarnent encore cette tradition de pédagogie « choc ».
Mais il y avait aussi, dans un Japon d’un autre temps, le rituel de kayu-tsue, où des jeunes hommes poursuivaient les jeunes femmes avec des bâtons en espérant favoriser leur fertilité. Oui, vous avez bien lu. Rassurez-vous, cette coutume est bel et bien tombée aux oubliettes. Mais elle montre à quel point le Petit Nouvel An a brassé des influences diverses, entre rites agraires, mythes lunaires et soupçon d’étrangeté.
🌕 Une fête née de la pleine lune et des champs
Avant la modernisation du Japon, le calendrier était luni-solaire. Le 15e jour du 1er mois correspondait à la pleine lune inaugurale de l’année. Ce moment, hautement symbolique, incarnait le renouveau, la fertilité, et la prospérité. Quand le pays est passé au calendrier grégorien, la date du Koshōgatsu a été fixée au 15 janvier, même si ce n’est plus toujours la pleine lune réelle.
Le cœur du Koshōgatsu reste intact : un moment charnière entre le sacré et le quotidien, un temps pour purifier, remercier et préparer l’avenir. Le feu élève les prières, la bouillie protège la maison, les mochi nourrissent et fortifient, la pleine lune éclaire l’année à venir. On dit adieu aux dieux pour mieux les accueillir l’année suivante.
📍 Où vivre un Koshōgatsu au Japon ?
- À Nozawa Onsen, le festival du feu Dosojin enflamme les cœurs (et une tour en bois géante) dans un spectacle époustouflant.
- À Kyoto, le temple Tōrin-in distribue chaque année des bols d’azuki-gayu dans une atmosphère paisible et recueillie.
- À Tokyo, certains sanctuaires comme Hie Jinja ou Tomigaoka Hachimangū organisent leurs propres feux de Dondoyaki.
- Et dans les campagnes japonaises, les traditions perdurent souvent loin des caméras, dans des célébrations simples et profondément ancrées.
🧤 Comment célébrer ton propre Koshōgatsu ?
Si tu es au Japon mi-janvier, cherche les événements locaux, même modestes. Arrive tôt, habille-toi chaudement, et n’hésite pas à demander aux habitants où et quand le feu aura lieu. Si tu as des objets à brûler, comme des talismans ou cartes de vœux, c’est le moment de les remettre aux prêtres pour purification.
Tu peux aussi préparer de l’azuki-gayu chez toi, en pensant aux croyances d’autrefois. Et si tu as l’occasion de griller un mochi, fonce : c’est autant un plaisir gustatif qu’un rituel bienveillant. Profite aussi de l’ambiance pour échanger quelques mots, poser des questions, sourire. Le Koshōgatsu est sérieux, mais il se vit avec le cœur léger.
Et surtout, ne t’inquiète pas ce qui compte aujourd’hui, c’est de vivre un moment de partage, au coin du feu, sous la lumière de la lune d’hiver.
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