🐻 Kanji de l’année 2025 : pourquoi le Japon a choisi « 熊 » l’ours

Derrière ce simple caractère se cache une transformation du rapport entre les Japonais et leur territoire.

Kanji de l’année 2025 : pourquoi le Japon a choisi « 熊 » l’ours

Chaque 12 décembre au Japon, une calligraphie solennelle dévoile le kanji de l’année, un rituel devenu miroir collectif. En 2025, c’est 熊 (kuma, « ours ») qui a été élu, dans une ambiance bien moins folklorique qu’il n’y paraît.

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Dans cet article, nous allons explorer ensemble ce que signifie vraiment cette élection, au-delà de l’anecdote. De la montée des incidents liés aux ours à la symbolique complexe du kanji, jusqu’à ses résonances culturelles et écologiques, vous allez découvrir pourquoi « 熊 » est bien plus qu’un mot : c’est un signal d’alarme sociétal.

Un vote populaire au cœur d’un rituel millénaire

Chaque année depuis 1995, la Japan Kanji Aptitude Testing Foundation invite les Japonais à élire un caractère qui symbolise l’année écoulée. La cérémonie se tient dans le décor sacré du temple Kiyomizu-dera à Kyoto, avec une mise en scène traditionnelle : brosse géante, encre noire et papier washi. Mais derrière cette tradition ancestrale, se cache un baromètre moderne de l’humeur nationale.

En 2025, a récolté 23 346 voix, devançant de peu 米 (kome, « riz »), dans un duel révélateur entre nourriture et menace. Ce n’est pas un hasard si ces deux kanji sont arrivés en tête : ils incarnent deux préoccupations fondamentales du Japon actuel…

Un ours devenu voisin… et danger

Traditionnellement cantonné aux montagnes, l’ours est devenu, en 2025, un habituel des dépêches d’actualité. Il s’invite dans les zones rurales, parfois semi-urbaines, semant la panique : écoles fermées, événements annulés, victimes blessées ou tuées. Cette année-là, 230 personnes ont été touchées par des attaques d’ours, selon The Japan Times.

Cette situation traduit une crise écologique et sociale systémique. Plusieurs facteurs convergent :

  • Diminution des ressources naturelles (glands, faînes) dans les montagnes
  • Effets du changement climatique
  • Déclin démographique rural, qui réduit la surveillance humaine aux lisières
  • Modification des habitats due à l’abandon de certaines terres

L’ours devient ainsi le symbole d’une frontière mouvante entre la nature et l’espace habité. Une crise de lisière, résumée en 17 traits d’encre noire.

L’année 2025 n’a pas seulement été marquée par la peur. Elle a aussi été l’année du retour en Chine de quatre pandas géants, dont Rauhin et ses trois filles, quittant le parc Adventure World (préfecture de Wakayama). Ces adieux ont été largement couverts par les médias japonais, montrant un peuple attaché à l’animal-totem doux et inoffensif.

Mais ici encore, le kanji 熊 s’invite : en chinois, « panda » se dit 熊猫 (xióngmāo), littéralement « ours-chat ». Derrière le design kawaii, c’est toujours un ursidé. Ce contraste entre ours diplomatique en peluche et ours réel qui blesse crée un choc d’images mentales. Deux visages d’un même mot, deux émotions antagonistes.

Le kanji comme indicateur politique autant que culturel

Traditionnellement, le kanji de l’année reflète un événement : catastrophe naturelle, crise politique, triomphe sportif. En 2025, c’est un climat général, une ambiance de société que 熊 cristallise. Un glissement s’opère : le kanji n’est plus une métaphore poétique, mais une alerte rationnelle.

Et ce n’est pas anodin. Car dans un Japon en mutation, où la population vieillit et se concentre en ville, la question devient centrale : comment gérer la cohabitation avec le vivant ?

La tentation pourrait être d’abattre les ours massivement ou de sanctuariser naïvement la nature. Mais les experts plaident pour une approche plus fine : surveillance, prévention, aménagements territoriaux, coordination locale. C’est cette complexité que reflète aussi le choix du kanji 熊 : un appel à la lucidité écologique, plus qu’à l’émotion.

En somme, le choix de 熊 comme kanji de l’année 2025 raconte une transformation profonde du rapport au monde. Ce n’est pas l’animal en soi qui est élu, mais ce qu’il révèle d’un pays en friction avec ses marges naturelles.

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Auteur/autrice : Louis Japon

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