« Les autres ne pensent pas comme nous » de Gourdault-Montagne, c’est une plongée dans l’esprit d’un diplomate qui a travaillé au Japon.

Après des décennies de service aux quatre coins du monde et notamment au Japon l’auteur a compris une chose essentielle : la différence n’est pas un obstacle, mais une clé.
Et parmi les pays qu’il explore, le Japon occupe une place à part. Plus qu’un simple terrain de négociation, il est pour lui un laboratoire de l’altérité, un espace où la communication repose davantage sur l’implicite que sur les mots, où l’harmonie sociale l’emporte sur la confrontation, et où les malentendus peuvent devenir fructueux… si l’on sait les décrypter.
L’auteur, qui a été ambassadeur à Tokyo de 1998 à 2002, raconte avec finesse les défis de la diplomatie dans ce pays où rien ne se dit frontalement. Il évoque ces dîners officiels où un simple geste peut avoir plus de poids qu’un long discours, ces réunions où l’on croit avoir obtenu un accord, alors qu’il faut encore attendre un long processus de validation silencieuse.
Le Japon n’est pas un pays qui négocie à l’occidentale : il préfère le nemawashi, cette manière de préparer le terrain par petites touches avant toute décision. Un contraste saisissant avec la culture européenne de l’efficacité immédiate, qui met souvent les Occidentaux en difficulté.
Ce qui frappe, à travers son récit, c’est la manière dont l’ambassadeur lui-même s’est confronté aux limites de sa compréhension. Même après des années sur place, il confie n’avoir jamais totalement saisi les subtilités du ishin-denshin, cette forme de communication presque télépathique qui permet aux Japonais de se comprendre sans mots.
Il met en garde contre un piège classique : croire qu’on maîtrise un pays dès lors qu’on en parle la langue et qu’on en connaît les codes. Au Japon, l’essentiel est souvent ailleurs, dans ce qui n’est pas dit, dans cet espace flottant qu’ils appellent le ma.
Ce livre ne parle pas uniquement du Japon, mais il en fait un exemple puissant de la manière dont chaque culture possède sa propre logique, souvent impénétrable pour un étranger. L’Occident a tendance à vouloir imposer ses valeurs, à croire qu’il existe une modernité universelle. Le Japon prouve qu’une autre voie est possible : il absorbe les innovations du monde entier tout en conservant ses traditions séculaires, dans une « synthèse sélective » fascinante.
À l’heure où les tensions internationales se multiplient, ce regard porté sur le Japon rappelle une évidence : comprendre l’autre ne signifie pas le faire rentrer dans nos schémas de pensée, mais accepter d’évoluer dans un espace d’inconfort, là où les choses ne sont jamais totalement accessibles. C’est peut-être là la plus grande leçon du livre : apprendre à écouter, même quand on ne comprend pas tout.
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