🎎 Inrƍ : la poche qui donne du style au kimono masculin

Imaginez : vous portez un Ă©lĂ©gant kimono
 et soudain, vous rĂ©alisez qu’il n’a aucune poche. Vous paniquez ?

Inrƍ kimono

Pas les Japonais de l’époque Edo (1600–1868) qui, eux, avaient trouvĂ© la parade : le sagemono (æă’ç‰©), un objet suspendu au obi (ceinture) !

Parmi ces accessoires, l’inrƍ (ć°ç± ) se distingue : une petite boĂźte Ă  compartiments, Ă  la fois outil du quotidien et chef-d’Ɠuvre miniature
 aujourd’hui devenue une star des musĂ©es.

À l’origine, l’inrƍ servait de “sachet Ă  sceaux” : il abritait le sceau personnel et un peu de cire pour authentifier les documents. Rapidement, son rĂŽle s’élargit et il devient la boĂźte Ă  tout faire du samouraĂŻ, du marchand ou du lettrĂ© : pilules, poudres mĂ©dicinales, remĂšdes d’herboristerie
 bref, l’EDC version Edo.

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Il se portait suspendu Ă  droite, fixĂ© au obi grĂące Ă  une cordelette qui passait dans deux petits tunnels latĂ©raux. Cette cordelette Ă©tait bloquĂ©e en haut par un netsuke, petite sculpture servant de butĂ©e, et serrĂ©e au milieu par l’ojime, une perle coulissante. Ainsi, l’inrƍ formait un ensemble aussi fonctionnel qu’esthĂ©tique.

🔍 Anatomie d’un chef-d’Ɠuvre miniature

Un inrƍ n’est pas une simple boĂźte. C’est un assemblage de compartiments superposĂ©s, appelĂ©s dan, qui s’emboĂźtent parfaitement. Le corps, souvent oblong, Ă©tait en bois de paulownia ou en bambou, parfois glissĂ© dans un fourreau protecteur appelĂ© saya. La fermeture reposait sur un systĂšme simple mais ingĂ©nieux : la cordelette coulissait dans les himotƍshi et se resserrait grĂące Ă  l’ojime, tandis que le netsuke, restĂ© Ă  l’extĂ©rieur du obi, empĂȘchait le tout de tomber.

La vĂ©ritable splendeur de l’inrƍ venait du travail du laque, l’urushi. Les artisans y appliquaient des techniques spectaculaires : Le maki-e (蒔甔), qui consiste Ă  saupoudrer de la poudre d’or ou d’argent sur la laque encore fraĂźche, permettait de crĂ©er paysages, vagues ou scĂšnes littĂ©raires, en relief (takamaki-e) ou plats (hiramaki-e). Le raden (èžș鈿) ajoutait de la nacre pour faire miroiter la surface. Dans certains cas, les couches de laque Ă©taient sculptĂ©es, crĂ©ant un dĂ©cor en relief. On trouvait aussi des incrustations plus rares : ivoire, plomb, mĂ©taux mĂȘlĂ©s.

Chaque inrƍ devenait une petite façade portative, oĂč la virtuositĂ© de l’atelier dialoguait avec le goĂ»t raffinĂ© de son propriĂ©taire.

🌾 Motifs et symbolique

Rien n’était choisi au hasard. Une libellule Ă©voquait le courage et la victoire, car elle ne recule jamais. Le chrysanthĂšme portait un souhait de longĂ©vitĂ© et rappelait le prestige impĂ©rial. La carpe, elle, symbolisait la persĂ©vĂ©rance et la rĂ©ussite aux examens, car elle remonte les rapides des riviĂšres.

Les motifs pouvaient aussi puiser dans les livres illustrĂ©s, mĂȘlant poĂšmes chinois, romans populaires, bestiaires ou scĂšnes de la vie quotidienne. Ainsi, l’inrƍ devenait un storyboard miniature que l’on portait Ă  la ceinture.

đŸ€ Les compagnons insĂ©parables : netsuke et ojime

Impossible de parler d’inrƍ sans Ă©voquer ses deux alliĂ©s. Le netsuke, taillĂ© dans le bois, l’ivoire, la laque ou le mĂ©tal, reprĂ©sentait souvent des animaux, des masques Nƍ ou des divinitĂ©s. L’ojime, petite perle laquĂ©e ou incrustĂ©e de nacre, coulissait sur la cordelette pour maintenir l’ensemble fermĂ©.

De nombreux ensembles visibles aujourd’hui sont recomposĂ©s : inrƍ, ojime et netsuke ne naissaient pas toujours ensemble, mais les collectionneurs et conservateurs les assortissent par thĂšme, matiĂšre ou patine.

Au fil des siĂšcles, la virtuositĂ© des ateliers s’accentue et la valeur des piĂšces augmente. Ce qui Ă©tait un accessoire chic mais pratique au XVIIᔉ siĂšcle devient, au XIXᔉ, un objet de luxe. Avec l’engouement occidental pour le Japonisme, l’inrƍ quitte la ceinture pour rejoindre les vitrines des musĂ©es et les catalogues de ventes aux enchĂšres spĂ©cialisĂ©es.

🛠 Reconnaütre un bel inrƍ

Un bel inrƍ se repĂšre Ă  la cohĂ©rence entre ses Ă©lĂ©ments, Ă  la profondeur et Ă  la brillance de sa laque, Ă  la finesse de son maki-e, Ă  la prĂ©cision de l’emboĂźtement des compartiments et Ă  la qualitĂ© de sa patine, tĂ©moin du temps sans ĂȘtre abĂźmĂ©e. Les restaurations doivent ĂȘtre minimes et honnĂȘtes. Et pour l’ivoire, attention : son commerce est strictement encadrĂ© par la CITES.

Les musĂ©es nationaux et rĂ©gionaux possĂšdent presque toujours quelques inrƍ dans leurs dĂ©partements d’arts asiatiques. On peut aussi en voir dans des expositions temporaires ou lors de ventes aux enchĂšres spĂ©cialisĂ©es. Les cartels mentionnent souvent la technique utilisĂ©e, l’école, la datation et parfois l’histoire de la piĂšce.

📜 FAQ

Quelle est la diffĂ©rence entre inrƍ et netsuke ?
L’inrƍ est la boĂźte compartimentĂ©e qui servait de poche suspendue. Le netsuke est le petit objet sculptĂ© qui, en haut de la cordelette, empĂȘchait l’inrƍ de glisser derriĂšre le obi. L’ojime, au milieu, est la perle qui coulisse pour fermer le tout.

Pourquoi était-ce surtout masculin ?
Le kimono masculin n’avait pas de poches, et les hommes urbains avaient souvent besoin de transporter sceaux, mĂ©dicaments ou tabac. Les femmes utilisaient plutĂŽt des bourses ou d’autres boĂźtes, mais l’inrƍ est restĂ© l’icĂŽne masculine.

Peut-on encore en fabriquer aujourd’hui ?
Oui, mais ce sont surtout des crĂ©ations d’art contemporain. On en trouve encore dans des ateliers spĂ©cialisĂ©s en laque, rĂ©alisĂ©s pour des collectionneurs ou des amateurs d’art japonais.

Comment le portait-on exactement ?
La cordelette passait derriĂšre le obi, le netsuke restait visible Ă  l’extĂ©rieur, et l’inrƍ pendait sur le cĂŽtĂ© droit. Pour l’ouvrir, on faisait simplement glisser l’ojime, puis on sortait un compartiment.

Combien peut valoir un bel inrƍ ?
Cela dĂ©pend de l’époque, de l’état, de l’atelier et de la raretĂ©. Une piĂšce ordinaire peut se nĂ©gocier Ă  quelques centaines d’euros, mais les chefs-d’Ɠuvre des maĂźtres du laque peuvent atteindre plusieurs dizaines de milliers.

Est-ce pratique aujourd’hui ?
Pas vraiment pour un usage quotidien
 sauf si vous portez encore le kimono traditionnel. Mais comme objet d’art, il reste intemporel.

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Auteur/autrice : Louis Japon

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