Les ambassades Tenshō et Keichō marquèrent les premières étapes d’un dialogue interculturel entre le Japon et l’Europe.
Au XVIe siècle, une série d’événements marqua les premiers contacts officiels entre le Japon et les puissances d’Europe.
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Ces rencontres fascinantes, empreintes d’enjeux diplomatiques, religieux et commerciaux, allaient profondément influencer les relations entre ces deux civilisations.
Commençons par l’ambassade Tenshō (天正の使節), initiée par les Jésuites, premier jalon de cette longue histoire.
L’ambassade Tenshō : les prémices d’un dialogue interculturel
En 1582, le Père Alessandro Valignano, supérieur des missions jésuites en Asie, conçut l’idée d’envoyer une délégation japonaise en Europe.
Soucieux de renforcer la position de l’Église catholique au Japon, Valignano proposa de montrer aux Japonais la grandeur de l’Europe chrétienne
Il reçut le soutien de 3 daimyos chrétiens (ou kirishitan) : Ōtomo Sōrin, Ōmura Sumitada et Arima Harunobu. Ils espéraient qu’une telle mission diplomatique renforcerait le christianisme au Japon et impressionnerait les différentes puissances.
Quatre jeunes nobles japonais de 12 à 15 ans lors du départ furent choisis pour ce périple sans précédent, devenant ainsi les premiers ambassadeurs officiels du Japon en Europe.
L’ambassade Tenshō était composée de :
- Mancio Itō, choisi comme porte-parole par Ōtomo Sōrin
- Miguel Chijwa, de la province d’Omura
- Martinho Hara, également de la province d’Omura
- Julião Nakaura, un proche du daimyo Arima Harunobu
Accompagnés de serviteurs, d’un tuteur, Diego de Mesquita, et de Valignano (qui les quittera en Inde), ils quittèrent Nagasaki le 20 février 1582. Leur périple les mena d’abord à Macao, Kochi et Goa, où ils passèrent neuf mois avant d’atteindre Lisbonne en août 1584.
Ils poursuivirent ensuite leur voyage jusqu’à Rome…
Un accueil triomphal en Europe
Après 2 ans de voyage, les jeunes ambassadeurs furent reçus en grande pompe à Rome par le pape Grégoire XIII en 1585.
L’arrivée de ces jeunes japonais chrétiens suscita un immense intérêt et une grande émotion au sein de la cité éternelle. Un compte-rendu de l’époque témoigne :
« Cette chose a apporté grand ébahissement et grande allégresse à toute la cité, voyant qu’une population nouvelle, si éloignée, inconnue même aux siècles passés, considérant la grande importance de ce fait, et la miraculeuse bonté et miséricorde de Dieu ».
Ils furent honorés par le pape, qui les adouba Chevaliers de l’Éperon d’Or, un titre prestigieux, réservé aux plus grandes personnalités de la Chrétienté.
En plus de leur audience avec le pape, les ambassadeurs impressionnèrent les Européens par leur culture et leur dignité. Leurs récits de voyage furent compilés dans le document De Missione Legatorum Iaponensium ad Romanam Curiam, publié en 1590 par le jésuite Duarte de Sande.
Ce voyage marqua un tournant dans les relations entre le Japon et l’Europe, alors que les Européens découvraient pour la première fois la culture japonaise à travers ces ambassadeurs.
Le retour au Japon : des espoirs déçus
De retour au Japon en 1590, après huit années de voyage, les jeunes ambassadeurs retrouvèrent un pays profondément changé. Le pouvoir était désormais entre les mains de Toyotomi Hideyoshi, dont les relations avec les chrétiens s’étaient fortement détériorées.
Le retour des ambassadeurs de l’ère Tenshō au Japon fut marqué par des destins contrastés. Si leur mission avait été une réussite diplomatique en Europe, ils furent confrontés à un climat de répression au Japon :
- Mancio Itō devint prêtre jésuite, mais mourut à Nagasaki en 1612.
- Martinho Hara fut banni du Japon en 1614 et mourut à Macao en 1629.
- Miguel Chijwa quitta la Compagnie de Jésus avant 1601 et mourut à Nagasaki en 1633.
- Julião Nakaura fut capturé par le shogunat Tokugawa et mourut en martyr sous la torture en 1633. Il fut béatifié en 2008.
Malgré une audience avec le régent, les espoirs d’une collaboration durable entre le Japon et l’Europe furent vite anéantis. Hideyoshi émit plusieurs édits anti-chrétiens et, quelques années plus tard, la persécution des chrétiens commença.
L’ambassade Keichō : une nouvelle tentative d’ouverture
En 1613, une nouvelle ambassade japonaise, l’ambassade Keichō, dirigée par Hasekura Tsunenaga, un samouraï, entreprit un voyage encore plus ambitieux.
Bien que cette mission ait également eu des objectifs religieux, elle visait principalement à établir des relations commerciales, notamment avec l’Espagne et le Mexique.
L’ambassade Keichō traversa plusieurs continents, avec un itinéraire remarquable :
- Départ du Japon
- Escale au Mexique
- Traversée de l’Atlantique
- Visite en Espagne
- Séjour en France
- Audience à Rome
- Retour en Espagne
- Voyage retour via le Mexique
Hasekura demanda notamment au roi d’Espagne l’envoi de missionnaires au Japon, même si, paradoxalement, le shogunat japonais avait déjà commencé à persécuter les chrétiens.
Si l’ambassade Keichō ne réussit pas à instaurer des relations commerciales solides, elle laissa une empreinte durable en Espagne.
Certains membres de l’ambassade s’installèrent définitivement dans la région, et leurs descendants portent encore aujourd’hui le nom de « Japón ».
Ces premiers échanges furent suivis d’une période de fermeture radicale du Japon aux influences étrangères.
Ce n’est qu’au XIXe siècle que le pays s’ouvrira à nouveau au monde extérieur, après plus de deux siècles d’isolement. Néanmoins, les ambassades du XVIe et du début du XVIIe siècles posèrent les bases d’une relation interculturelle riche et complexe dont les échos résonnent jusqu’à aujourd’hui.
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