Voici comment l’Islande est devenue un modèle, pendant que le Japon peine à franchir les étapes.
Pourquoi certains pays avancent plus vite que d’autres sur l’égalité de genre ? Le 27 mai 2025, à Tokyo, l’empereur Naruhito a posé cette question sans détour à la présidente islandaise Halla Tómasdóttir.
La réponse se trouve peut-être moins dans les chiffres… que dans les histoires qu’ils racontent. Deux trajectoires, deux visions, deux stratégies.
✊ Islande, 1975
Le 24 octobre 1975, l’Islande s’arrête. Ce jour-là, 90 % des femmes du pays cessent toute activité : ni travail salarié, ni tâches domestiques. La grève, appelée Women’s Day Off, est massive et transversale — syndicalistes, féministes, conservatrices… Reykjavík est noire de monde. Des usines ferment. Des pères découvrent la logistique du quotidien. Résultat : un pays bloqué.
Cet événement unique agit comme un électrochoc. L’égalité femmes-hommes devient non seulement une priorité politique, mais aussi une affaire de société. Ce moment historique reste une référence, ravivée récemment par les grandes grèves féminines de 2023.
📈 De la rue à la loi
Ce n’est pas juste un coup d’éclat. Après 1975 :
- Une loi sur l’égalité est rapidement adoptée.
- Les discriminations salariales sont interdites.
- En 1980, Vigdís Finnbogadóttir devient la première cheffe d’État élue démocratiquement au monde.
- En 2018, l’Islande va plus loin avec une certification “equal pay” obligatoire pour les entreprises.
Cette continuité dans l’action politique s’appuie sur une base populaire forte, ce qui explique sa résilience face aux résistances.
🗾 VS le Japon des années 1970
Dans le même temps, le Japon voit aussi émerger des mouvements féministes — mais la dynamique est différente.
🧠 Women’s Lib : casser les rôles
Le 21 octobre 1970, le tout premier cortège “Women’s Liberation” défile à Tokyo. Tanaka Mitsu, figure de proue du mouvement, remet en question les carcans sociaux : le mariage comme prison, la maternité imposée, le corps féminin contrôlé. L’élan est réel, mais reste largement marginalisé dans les médias et la politique.
⚖️ La bataille pour les droits reproductifs
En 1972-73, un projet de loi menace de restreindre l’accès à l’avortement. Les féministes montent au front : “C’est aux femmes de décider d’enfanter ou non.” Elles obtiennent le retrait du texte, une victoire importante mais défensive. Il faudra attendre 1996 pour que la loi eugénique soit renommée en “Loi de protection maternelle”.
👩💼 Le tournant vers l’emploi
Avec l’impulsion de l’ONU (Année internationale de la femme en 1975), les militantes japonaises se tournent vers le monde du travail. Cela débouche en 1985 sur la Loi sur l’égalité des chances en emploi (EEOL). Mais les effets sont lents, freinés par la précarisation massive des emplois féminins et le manque de sanctions.
🛤️ 2 trajectoires qui divergent
En Islande, la mobilisation de 1975 s’est transformée en structure légale durable, appuyée par une volonté politique constante.
Au Japon, malgré des mobilisations puissantes, les acquis ont été progressifs, souvent fragiles, et surtout… régulièrement attaqués.
À partir des années 2000, le vent tourne : un contre-mouvement conservateur émerge. Il dénonce les politiques “gender-free”, s’oppose à l’éducation à l’égalité, et freine les avancées législatives. En 2025, le parti d’ultra-droite Sanseitō entre en force au Sénat avec un discours “valeurs traditionnelles” clairement hostile à l’égalité de genre.
Les chiffres ne mentent pas. Mais ils ne suffisent pas non plus. Ce qui fait la différence entre la 1re et la 118e place, ce n’est pas seulement la force d’un mouvement, mais sa capacité à s’inscrire dans la durée et à résister aux retours de flamme politiques.
En Islande, l’égalité femmes-hommes est un héritage assumé, cultivé génération après génération.
Au Japon, elle reste un débat fragile, exposé aux vents contraires d’une société qui peine à se détacher de ses modèles traditionnels.
Pour aller plus loin
| Pays | Classement Global Gender Gap 2025 | % du gap comblé | Trajectoire |
|---|---|---|---|
| 🇮🇸 Islande | 1er (16e année consécutive) | 92,6 % | Mobilisation massive ➜ lois pérennes |
| 🇯🇵 Japon | 118e sur 148 | ~65 % (stable) | Avancées ponctuelles ➜ backlash conservateur |
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