Toujours checker les chiffres avant de retweeter. Sinon, on finit par voter contre un problème qui n’a jamais existé.
Le Japon est-il en train de trop chouchouter ses étrangers ?
Sur X, Reddit ou même dans certains talk-shows télévisés, c’est devenu le nouveau refrain préféré des conservateurs : le pays donnerait soi-disant plus d’avantages aux résidents étrangers qu’à ses propres citoyens.
Mais une enquête récente menée par NHK en collab avec JX PRESS Corp. révèle que cette idée est loin d’être marginale. 64 % des personnes interrogées estiment que les étrangers reçoivent un « traitement excessivement favorable ». Oui, vous avez bien lu.
💣 Une idée balancée sur le net, adoptée offline
Dans cette enquête menée auprès de 4 500 personnes à Tokyo, âgées de 10 à 90 ans (oui, même les mamies TikTokeuses sont dedans), on leur a demandé :
« Pensez-vous que les étrangers sont excessivement favorisés dans la société japonaise ? »
Résultat :
- 30,4 % disent être totalement d’accord.
- 33,6 % disent plutôt d’accord.
Au total : 64 % d’adhésion à un mythe.
Cette croyance ne vient pas de nulle part. Entre hashtags nationalistes et politiciens populistes, la machine à désinformation tourne à plein régime. Des accusations aussi random que fausses circulent : « Les étrangers piqueraient la majorité des aides sociales », « Ils viendraient pour se soigner gratos », ou encore « Ils ont des études payées pendant que les Japonais s’endettent. »
🎓 L’exemple du programme SPRING
Dernière fake news à la mode ?
« Les étudiants chinois reçoivent jusqu’à 10 millions de yens d’aides qu’ils ne remboursent pas, contrairement aux Japonais. »
En vrai ? Le programme s’appelle SPRING (Support for Pioneering Research Initiated by the Next Generation). Son but : soutenir les doctorants pour qu’ils bossent sur des recherches innovantes, interdisciplinaires, avec un esprit ouvert à l’international.
Et qui peut postuler ? Les Japonais aussi.
- Sur 10 564 bourses totales, 60 % vont à des doctorants japonais.
- Parmi les 4 125 étrangers, 3 151 sont effectivement chinois — mais seulement parce qu’ils remplissent les critères exigeants (et non, ce n’est pas un « cadeau »).
Globalement, seulement 2,8 % des 336 708 étudiants étrangers au Japon reçoivent une aide gouvernementale. La plupart paient tout eux-mêmes, que ce soit le loyer du dortoir minuscule ou les ramen instant.
En gros : supprimer ces aides ne rendrait pas soudainement l’université gratuite pour tout le monde. La vraie raison derrière cette colère ? Pour certains, « zéro yen » devrait aller aux étrangers, point barre.
👶 L’Agence pour les enfants et les familles
Autre cible de rage online : la 家庭庁 (Agence pour les enfants et les familles), censée inverser la chute démographique du Japon. Avec un budget XXL de 7,3 trillions de yens (~50 milliards $), l’agence tente (tant bien que mal) d’encourager les naissances.
Mais malgré tout, les naissances ont plongé à 700 000 l’an dernier, un record négatif historique. Résultat ? 58,4 % des répondants veulent tout simplement dissoudre l’agence.
Sauf que, contrairement aux aides étudiantes, ici même l’agence admet son échec partiel.
🗣️ Les fake news, partout plus fortes que les faits
Cette enquête NHK met un gros projecteur sur la puissance de la désinformation. Une idée balancée sur X ou relayée par un député local peut se transformer en croyance populaire en quelques semaines.
Et après ? On finit par voter des lois qui marginalisent encore plus les étrangers, déjà souvent précarisés. Tout ça, non pas sur des faits, mais sur une vibe nationaliste alimentée par des chiffres détournés et une bonne dose de « Gaijin scare ».
L’image d’un Japon hyper-accueillant, souriant et ouvert aux visiteurs (le fameux omotenashi) ? Elle commence à se fissurer quand on regarde ce genre de sondage.
Si le pays veut continuer à attirer des talents et des étudiants du monde entier, il va falloir bosser sur la perception et le storytelling, pas juste distribuer des flyers « Visit Japan ».
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