đŸ‡ŻđŸ‡” Pourquoi l’extrĂȘme droite japonaise n’a (pas encore) pris le pouvoir

VoilĂ  pourquoi l’extrĂȘme droite japonaise aussi bruyante soit-elle avec ses camions noirs, restera sur le bas-cĂŽtĂ© encore longtemps !

extrĂȘme droite japonaise n’a (pas encore) pris le pouvoir

Au Japon, les drapeaux impériaux flottent parfois dans les rues de Tokyo, accrochés à des camions noirs diffusant de vieux hymnes militaires. Et pourtant
 dans les urnes, la droite radicale ne décolle jamais.

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Alors que d’autres pays ont vu leurs partis nationalistes grimper au sommet du pouvoir, le Japon reste une Ă©nigme : pourquoi l’ultra-droite japonaise n’a-t-elle jamais conquis le cƓur des Ă©lecteurs ?

đŸ•°ïž Un nationalisme d’aprĂšs-guerre trĂšs encadrĂ©

Pour comprendre le blocage, il faut revenir Ă  1945. Le Japon vient de capituler. Hiroshima et Nagasaki ont marquĂ© la fin d’un rĂȘve impĂ©rial transformĂ© en cauchemar. Le pays est occupĂ© par les AmĂ©ricains, et avec eux arrive une nouvelle Constitution : interdiction de la guerre, dĂ©militarisation, dĂ©mocratie parlementaire.

Dans ce nouveau cadre, impossible de reconstruire un mouvement politique nationaliste radical Ă  la maniĂšre d’avant-guerre. L’ancien rĂ©gime impĂ©rial et les forces militaristes sont discrĂ©ditĂ©s. Le nationalisme d’État est mis sous cloche, remplacĂ© par un systĂšme politique centrĂ© sur la stabilitĂ©, la reconstruction et le pacifisme.

Mais cela ne veut pas dire que le nationalisme disparaĂźt. Il se recycle. DĂšs les annĂ©es 1950, le Parti LibĂ©ral-DĂ©mocrate (PLD) devient le mastodonte du paysage politique. Et en son sein, on retrouve des figures trĂšs conservatrices, nostalgiques de l’ordre ancien. En gros : plutĂŽt que d’ĂȘtre visibles, les nationalistes s’infiltrent dans le pouvoir.

đŸ›ïž Le PLD, digesteur d’extrĂȘme droite

Le PLD, c’est un peu le fourre-tout de la droite japonaise. Il est au pouvoir presque sans interruption depuis 1955. C’est un parti qui fonctionne par factions internes, certaines plus modĂ©rĂ©es, d’autres beaucoup plus nationalistes. RĂ©sultat : l’électorat de droite n’a jamais vraiment eu besoin de crĂ©er un parti ultra. Il lui suffisait de voter pour les bonnes personnes dans le bon parti.

Des figures comme Shinzo Abe ont clairement penchĂ© Ă  droite : rĂ©visionnisme historique, volontĂ© de rĂ©viser la Constitution pacifiste, visites au trĂšs controversĂ© sanctuaire Yasukuni. Mais tout cela s’est fait Ă  l’intĂ©rieur du cadre institutionnel. Aucun besoin de sortir du PLD pour porter un agenda conservateur. L’extrĂȘme droite reste marginale car son ADN est dĂ©jĂ , en partie, intĂ©grĂ© au systĂšme.

đŸ§± Des murs constitutionnels solides

Le Japon moderne repose sur une base juridique anti-militariste. L’article 9 de la Constitution interdit Ă  jamais la guerre comme moyen de rĂ©soudre les conflits. Cette clause est devenue un pilier de l’identitĂ© d’aprĂšs-guerre. MĂȘme quand certains gouvernements tentent d’en contourner l’esprit, elle reste intouchable aux yeux d’une majoritĂ© de citoyens.

C’est un rempart symbolique et politique. Il empĂȘche toute frĂ©nĂ©sie belliqueuse de s’ancrer dans un programme Ă©lectoral crĂ©dible. Impossible pour un parti d’extrĂȘme droite d’appeler Ă  reconstituer une armĂ©e puissante ou de se rĂȘver en empire renaissant sans heurter la majoritĂ© pacifiste.

đŸ—łïž Un systĂšme Ă©lectoral qui broie les petits partis

Autre frein : le mode de scrutin japonais. C’est un systĂšme mixte entre vote uninominal et proportionnel. Dans les faits, ça favorise les grands partis et Ă©touffe les petits outsiders. Les partis nationalistes qui Ă©mergent de temps en temps – avec des slogans anti-immigrĂ©s ou ultra-conservateurs – finissent souvent engloutis par la machine PLD ou n’arrivent mĂȘme pas Ă  obtenir un seul siĂšge.

RĂ©sultat : mĂȘme si des mouvements d’ultra-droite existent (dans la rue, en ligne ou via des associations), ils restent exclus des leviers du pouvoir parlementaire. Pas de reprĂ©sentation, pas de tribune nationale.

đŸ€ Culture du consensus, rejet du conflit

Le Japon n’est pas un pays oĂč le clash politique est bien vu. La sociĂ©tĂ© repose sur le « wa » – l’harmonie. C’est vrai au travail, Ă  l’école, en famille
 et en politique. L’agressivitĂ© verbale ou la radicalitĂ© affichĂ©e ne sont pas valorisĂ©es. On prĂ©fĂšre les compromis feutrĂ©s, les discours ambigus, les postures modĂ©rĂ©es.

Une grande partie des Japonais se mĂ©fient donc naturellement des partis qui hurlent trop fort. L’idĂ©e d’un leader nationaliste charismatique capable de mobiliser les foules en gueulant contre les Ă©trangers, comme on l’a vu ailleurs, colle mal avec la culture locale. Le Japon aime les technocrates tranquilles, pas les hommes forts.

â˜ąïž Le traumatisme de la guerre nuclĂ©aire

Ajoutons Ă  cela une mĂ©moire collective trĂšs marquĂ©e par les horreurs de la guerre. Hiroshima, Nagasaki, les bombardements massifs de Tokyo, les privations, la dĂ©faite totale
 Le souvenir est encore bien prĂ©sent. RĂ©sultat : tout ce qui rappelle de prĂšs ou de loin l’idĂ©ologie militariste est mal vu, surtout par les gĂ©nĂ©rations les plus ĂągĂ©es.

MĂȘme dans les familles conservatrices, on transmet souvent le rejet du fanatisme d’avant-guerre. Le pacifisme est devenu une norme, presque sacrĂ©e. Le nationalisme brutal, nostalgique de l’époque impĂ©riale, est un tabou pour beaucoup.

🧳 Immigration : pas de bouc Ă©missaire efficace

Un terrain de jeu habituel pour l’extrĂȘme droite dans le monde, c’est l’immigration. Mais au Japon, la situation est diffĂ©rente. Certes, des discours xĂ©nophobes existent, en particulier en ligne ou dans certains groupuscules comme la Zaitokukai. Mais globalement, les Japonais sont plutĂŽt pragmatiques sur la question.

Avec une population vieillissante et une main-d’Ɠuvre qui s’effondre, mĂȘme les gouvernements conservateurs ont assoupli les rĂšgles pour faire venir des travailleurs Ă©trangers. Et surprise : ça ne scandalise pas tant que ça. Les grandes vagues de rejet populaire, comme on les voit en Europe, ne prennent pas ici.

Les Ă©trangers sont encore peu nombreux, souvent cantonnĂ©s Ă  des rĂŽles Ă©conomiques prĂ©cis, et leur prĂ©sence ne dĂ©clenche pas de panique nationale. Pas de peur diffuse, pas de vote de rejet massif Ă  capitaliser pour un parti d’ultra-droite.

đŸ“± Nationalisme de clavier, sans rĂ©el impact

Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de nationalistes au Japon. Ils sont nombreux
 mais surtout sur Internet. La « netto-uyoku », ou droite radicale en ligne, alimente forums, vidĂ©os YouTube, commentaires rageurs. Elle s’en prend aux CorĂ©ens, aux Chinois, aux pacifistes, aux fĂ©ministes


Mais cette droite digitale reste trÚs minoritaire et sans véritable impact politique. Quelques tentatives de manifestations ont existé, quelques candidats extrémistes ont tenté leur chance
 sans succÚs. Dans les urnes, le Japon reste largement imperméable à leur discours.

La clĂ© du mystĂšre : l’extrĂȘme droite japonaise n’a pas besoin de conquĂ©rir le pouvoir : une partie de ses idĂ©es ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© absorbĂ©es par les Ă©lites conservatrices du pays. Pas besoin de crĂ©er une rĂ©volution si le systĂšme vous offre dĂ©jĂ  une place au chaud.

Mais cette stratĂ©gie a aussi un prix. En Ă©vitant de s’organiser de maniĂšre autonome, l’ultra-droite reste condamnĂ©e Ă  l’ombre du PLD, sans visibilitĂ© claire, sans programme fort, et sans base militante cohĂ©rente.

L’extrĂȘme droite n’a pas disparu au Japon. Elle rĂŽde, s’exprime, influence parfois. Mais elle n’a jamais rĂ©ussi Ă  fĂ©dĂ©rer, ni Ă  mobiliser massivement. Entre institutions solides, culture de l’harmonie, traumatisme historique et systĂšme Ă©lectoral verrouillĂ©, elle reste contenue.

Tant que le Japon prĂ©fĂ©rera la stabilitĂ© au coup d’éclat, la nuance au bruit, la continuitĂ© au chaos
 le pouvoir restera aux modĂ©rĂ©s.

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Auteur/autrice : Louis Japon

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