🎌 Travailler à 100 ans au Japon

Chacun d’eux a traversé un siècle. Tous continuent, à leur rythme, à contribuer à leur communauté, à entretenir le lien.

Travailler à 100 ans au Japon

Au Japon, atteindre 100 ans n’est plus une exception, c’est devenu une statistique. Dans un pays où l’on vieillit plus vite et plus longtemps que partout ailleurs, le travail ne s’arrête pas toujours à l’âge de la retraite. Pour certains, il se poursuit bien au-delà. Jusqu’à 100 ans, parfois plus. Ce phénomène étonne, intrigue, mais il raconte surtout un basculement global : que faire de toutes ces années gagnées ?

À travers les portraits de cinq centenaires encore actifs, le Japon nous tend un miroir. Et si le travail, loin d’être un fardeau, devenait une source d’équilibre, de santé et de sens, même au seuil de la centaine ?

Un pays où la vieillesse est la norme, pas l’exception

Difficile d’imaginer un autre pays où le vieillissement soit aussi visible, aussi structurant. Le Japon compte aujourd’hui plus de 100 000 centenaires, dont la grande majorité sont des femmes. Rapporté à la population, cela fait plus de 80 centenaires pour 100 000 habitants : c’est tout simplement le taux le plus élevé au monde.

Presque un tiers des Japonais ont désormais 65 ans ou plus. Et les projections annoncent près de 40 % à l’horizon 2060. La machine économique, elle, continue de tourner, avec une particularité : de plus en plus de retraités ne se retirent pas. En 2024, un quart des Japonais de plus de 65 ans travaillent encore, et un Japonais sur deux âgé de 65 à 69 ans reste actif.

Face à ce nouveau visage de la société, les lois ont suivi. L’État japonais pousse aujourd’hui à maintenir l’emploi jusqu’à 70 ans, voire au-delà, en adaptant les formes : prolongation de contrats, missions indépendantes, travail à temps partiel. Et dans ce contexte, voir des centenaires continuer à travailler n’est plus simplement une anecdote attendrissante.

Ce qui les rassemble : des jours structurés, un sens à transmettre

Derrière ces histoires différentes, des fils se croisent.

D’abord, le travail structure la journée. Il rythme le temps, évite l’ennui, repousse la solitude. Dans un pays où les familles éclatées deviennent la norme, le travail prend parfois la place de la communauté. Sans lui, la journée perd de sa consistance.

Ensuite, il faut parler d’argent. Derrière la passion, il y a souvent la nécessité. Les pensions japonaises sont modestes, surtout pour ceux qui ont eu des carrières indépendantes ou instables. Le revenu tiré d’un atelier ou de quelques ventes peut faire la différence entre précarité et dignité.

La santé, enfin, est vue comme une condition, jamais comme un privilège. Tous ont connu des fragilités comme le cancers, Covid, douleurs chroniques. Ils ne s’accrochent pas à la jeunesse, ils s’adaptent. Un rythme plus lent, des gestes limités, mais toujours du mouvement.

Ce qu’ils défendent, ce n’est pas la performance, mais l’utilité. Ils veulent encore être utiles. Offrir un service, une mémoire, une compétence. Donner, pas simplement durer.

Le rôle de la culture : ikigai, cuisine, liens sociaux

Au Japon, vieillir en restant actif ne tient pas du miracle. Cela s’ancre dans une culture entière.

L’ikigai est central. Ce mot désigne ce qui donne envie de se lever le matin. C’est souvent un mélange de plaisir, d’utilité et de relation aux autres. Avoir un ikigai, selon plusieurs études, est associé à une meilleure santé et à une plus grande longévité.

Autour de lui gravitent des habitudes durables : une cuisine traditionnelle riche en légumes et en produits fermentés, une mobilité quotidienne naturelle, pas de sport intense, mais de la marche, du jardinage, des escaliers. Et surtout, des liens communautaires forts. À Okinawa, les « moai » sont ces groupes de soutien mutuel, où l’on veille les uns sur les autres.

Travailler à 100 ans, dans ce contexte, ce n’est pas résister à l’âge. C’est simplement rester inscrit dans un réseau vivant, où chacun continue à avoir un rôle.

La réalité moins douce : quand travailler devient un impératif

Les centenaires qu’on rencontre ici sont exceptionnels. Ils choisissent leur activité, en maîtrisent le rythme, et sont valorisés pour ce qu’ils font. Mais cette image ne doit pas masquer une réalité plus brutale.

De nombreux seniors japonais continuent à travailler non par envie, mais par obligation. Ils occupent des postes précaires, mal payés, physiquement exigeants. Nettoyage, sécurité, petits boulots de chantier : le travail après 65 ans, pour beaucoup, ressemble à un prolongement de la fatigue.

Le discours politique glisse lentement. On ne parle plus seulement du droit à la retraite, mais de l’utilité de « rester productif ». Le risque ? Que cette pression déguisée transforme une option libre en nouvelle norme.

Leçons d’un laboratoire du vieillissement

Le Japon est peut-être le premier pays à expérimenter à grande échelle une société où l’on vit et travaille plus longtemps que prévu. Cela change tout.

D’abord, la définition même de la vieillesse évolue. À 60 ans, on est encore « jeune », prêt à travailler. À 70 ou 80 ans, beaucoup se sentent utiles, capables.

Ensuite, la frontière entre travail et retraite devient floue. L’activité se transforme : missions ponctuelles, temps partiel, bénévolat. Ce n’est plus noir ou blanc, c’est tout un spectre de possibles.

Mais cette souplesse cache aussi des inégalités. Ceux qui ont eu des parcours valorisés peuvent continuer dans de bonnes conditions. Les autres restent dans la précarité, plus longtemps. Le droit à une vieillesse choisie n’est pas équitablement distribué.

Enfin, une chose apparaît clairement : le sens est aussi vital que la santé. Ces centenaires ne veulent pas simplement vivre longtemps. Ils veulent que cette vie ait encore une direction, une utilité, une résonance.

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Auteur/autrice : Louis Japon

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