🇯🇵 Quand Sanae Takaichi se réveille à 3 h du matin : réunion nocturne et karoshi

La prochaine fois que votre chef vous envoie un message à 23 h, rappelez-vous : Au moins, ce n’est pas 3 h du matin à la japonaise.

Quand Sanae Takaichi se réveille à 3 h du matin

Le Japon a connu un drôle de réveil ce vendredi-là. Alors que Tokyo dormait encore, sa toute nouvelle Première ministre, Sanae Takaichi, convoquait une réunion à 3 h du matin. Ce qui aurait pu passer pour un exemple de dévouement au service de l’État est devenu un véritable scandale national.

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Derrière l’anecdote se cache un malaise bien plus profond : celui d’un pays qui peine à se défaire de sa culture de surmenage extrême, symbole du tristement célèbre karoshi la mort par excès de travail.

🕒 Une réunion à 3 h du matin… vraiment nécessaire ?

Dans la nuit, la Première ministre sort de sa résidence, tailleur bleu électrique et dossiers sous le bras. Objectif : préparer une audition budgétaire prévue au Parlement à 9 h. Jusque-là, rien d’inhabituel dans l’agenda d’un chef de gouvernement.

Mais l’histoire prend une autre tournure quand on apprend qu’elle a convoqué plusieurs hauts fonctionnaires et conseillers à cette heure indue. Trois heures de réunion nocturne, suivies d’une apparition au Parlement au petit matin.

Sanae Takaichi assume et parle d’une nécessité, tout en reconnaissant avoir causé quelques “désagréments”… Sauf que dans un pays encore traumatisé par le karoshi, ces « désagréments » passent très mal.

⚠️ Le traumatisme du karoshi, toujours bien présent

Le mot karoshi n’est pas une image. Depuis les années 1980, il est reconnu officiellement par le gouvernement japonais. Il désigne les décès liés à l’épuisement professionnel : crises cardiaques, AVC, voire suicides (karōjisatsu).

L’affaire de Matsuri Takahashi en 2015 une jeune employée poussée au suicide après plus de 100 heures d’heures sup par mois a profondément marqué le pays.

En réponse, le Japon a introduit un cadre légal limitant les heures supplémentaires : jusqu’à 100 heures/mois ou 720 heures/an en cas de pic

Mais voilà, Sanae Takaichi remet aujourd’hui en question ces limites, estimant qu’il est parfois nécessaire de “travailler plus pour gagner plus”, tout en affirmant qu’elle n’encourage pas les excès menant au karoshi.

Un discours difficilement audible quand elle-même impose une cadence infernale à ses équipes.

💬 « Je dors deux à quatre heures par nuit »

La Première ministre le revendique sans détour : elle dort très peu, travaille énormément et rejette l’idée de “work-life balance”… pour elle-même. Elle cite régulièrement Margaret Thatcher en exemple.

“Je dors environ deux heures maintenant, quatre au maximum. C’est sûrement mauvais pour ma peau.” – Sanae Takaichi

Dans un pays déjà épuisé, cette déclaration fascine autant qu’elle effraie. Est-ce du leadership inspirant… ou la glorification dangereuse d’un modèle de surmenage ?

🤯 Polémique politique et société divisée

Les réactions ne se sont pas fait attendre. Pour l’opposition, convoquer une réunion à 3 h du matin est tout simplement “dingue”. Plusieurs anciens responsables politiques s’alarment du risque de contagion : si la Première ministre agit ainsi, que vont faire les ministères, les entreprises, les préfets ?

Mais dans le camp conservateur, on défend la cheffe du gouvernement avec vigueur. Pour eux, elle “bosse pour le pays” et devrait être applaudie, pas critiquée.

“Même une workaholic comme la Première ministre n’a pas envie d’être au bureau à 3 h du matin.” – députée du LDP

Dans la société, les avis sont tranchés : certains applaudissent la rigueur, d’autres s’inquiètent d’un retour aux pires travers des années 1990, où les salarymen passaient leurs nuits au bureau.

Sur TikTok, X (Twitter) ou Instagram, la “réunion de 3 h” a fait exploser les hashtags. Beaucoup ironisent sur le “Takaichi Time”, avec des montages la montrant façon “machine de guerre”.

Mais sous les blagues, une vraie lassitude collective ressort :

  • Trop de Japonais dorment déjà mal,
  • Trop vivent avec un stress chronique,
  • Trop craignent que cette réunion ne devienne une nouvelle norme.

Des familles de victimes de karoshi ont d’ailleurs pris la parole dans les médias, rappelant que ce genre d’exemple envoie un message toxique aux employeurs.

👩‍⚖️ Une première femme à la tête du Japon… mais quel modèle ?

La dimension symbolique est forte : Sanae Takaichi est la première femme à occuper ce poste suprême.

Mais cette victoire historique ne suffit pas à faire l’unanimité. Proche de la droite dure, admiratrice de Thatcher, elle incarne une vision du leadership très conservatrice. Beaucoup espéraient un modèle de féminisme émancipateur. Ils se retrouvent face à une figure qui renforce un système… que d’autres femmes cherchent à fuir.

🔍 Leadership vs. Limites humaines

Au fond, ce n’est pas la capacité de Takaichi à travailler qui est remise en question. C’est sa manière d’imposer sa cadence aux autres.

Le Japon a besoin de dirigeants dévoués, oui. Mais le dévouement ne doit pas devenir déraisonnable, au point de compromettre la santé, l’équilibre ou la dignité des travailleurs.

La réunion de 3 h du matin restera peut-être une simple anecdote. Ou peut-être qu’un jour, elle sera vue comme le moment de rupture, celui où la société japonaise a commencé à dire collectivement :

“Stop. On ne veut plus vivre comme ça.”

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Auteur/autrice : Louis Japon

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