⚡️Le punk japonais : des années 70 à nos jours

Bienvenue dans le punk japonais. Des origines aux réinventions, des figures cultes aux lieux actuels, suivez le guide.

Le punk japonais

On a rembobiné la K7 pour mieux comprendre cette énergie. D’où elle vient, où elle vit aujourd’hui, et surtout : comment l’expérimenter en direct, sur disque ou dans une cave tokyoïte !

Koenji : là où tout vibre encore

À l’ouest de Tokyo, Koenji ne s’est jamais rangée. Cette enclave underground continue de respirer à travers ses live houses, ses ruelles constellées d’affiches froissées, et ses friperies qui sentent la sueur vintage.

C’est ici que le mythique 20,000V, rebaptisé Niman Den-atsu, a vu passer des générations de groupes entre deux incendies et renaissances. À quelques pas, Penguin House, ouverte en 1984, maintient le tempo jusqu’au petit matin, avec des concerts tous les soirs avant de basculer en bar.

On y trouve aussi UFO Club, antre psyché-punk d’Higashi-Koenji, et Sound Studio DOM, repère de répétitions le jour, concerts D.I.Y. la nuit. Et pour ceux qui veulent fouiller dans la mémoire sonore de la scène, Record Shop BASE (ouvert en 1997) est une étape obligatoire : vinyles, cassettes, zines, T-shirts, commandes expédiées dans le monde entier.

Koenji ne se visite pas, elle se vit de préférence debout, dans un sous-sol exigu, le front en sueur.

Shinjuku et Shimokitazawa : l’intensité quotidienne

D’un côté, Shinjuku, son béton, ses artères saturées, et Antiknock, salle culte fondée en 1985. Nichée en sous-sol à cinq minutes de la gare, elle offre une programmation quasi quotidienne où se croisent punk, crust, hardcore, et metal.

De l’autre côté, Shimokitazawa, plus indie, mais tout aussi dense. Le Shelter, ouvert en 1991, reste fidèle à une esthétique de proximité et de tension maîtrisée. Peu de place, beaucoup d’énergie.

À mi-chemin, Shin-Okubo héberge EARTHDOM, salle réputée pour son extrême radicalité sonore. Si le punk japonais vous attire pour sa dimension la plus brutale, c’est ici que ça se passe.

Origines & ADN : le chaos comme fondation

Le punk japonais ne copie pas, il absorbe et recrache. Il naît dans les années 70-80, entre fanzines, happenings et salles étroites.

Un tournant visuel et sonore : le film Burst City (1982), réalisé par Gakuryū (Sogo) Ishii. Il y capture l’essence sauvage du groupe The Stalin, mené par Michiro Endo. Scandaleux, frontal, volontairement choquant : le punk japonais se construit dans la performance plus que dans le manifeste.

Autre jalon essentiel : G.I.S.M. avec Detestation (1984), mélange toxique de hardcore, métal et indus. Groupe culte, longtemps introuvable officiellement, il continue d’alimenter les fantasmes. Leur chanteur Sakevi Yokoyama, artiste visuel aussi provocant que secret, est décédé en 2023, déclenchant une vague d’hommages.

Enfin, Gauze incarne l’exact inverse : méthode, silence, puissance chirurgicale. Groupe ultra-respecté du hardcore japonais, ils ont choisi de se dissoudre en 2022 après 41 ans d’existence, dans une cohérence absolue : « si un seul membre part, on arrête ». Dernière vente de T-shirts ? Chez Record Shop BASE, évidemment.

Pionnières enragées : OXZ & The Comes

Si vous cherchez des figures féminines dans un paysage souvent perçu comme masculin, OXZ et The Comes sont incontournables.

OXZ, groupe originaire d’Osaka, active dans les années 80, a récemment été redécouvert grâce à la réédition Along Ago chez Captured Tracks. Leur son mêle urgence et élégance tranchante.

À Tokyo, The Comes (avec Chitose au chant) livre No Side en 1983 chez Dogma. Ce disque marque l’entrée fracassante des femmes dans le hardcore japonais. Sans compromis.

Brouiller les frontières

Le punk japonais est tout sauf linéaire. Il croise, mélange, explose.

  • Lip Cream, figure hystérique du hardcore rapide, est lié à The Comes et à d’autres formations comme Gastunk.
  • BiSKaidan, collaboration improbable entre le girls band punk BiS et le groupe noise culte Hijokaidan, incarne cet amour du chaos contrôlé (2012–2014).
  • envy, quant à eux, ont ouvert un pont entre le screamo japonais et les scènes post-hardcore US et UK, signant des splits avec Thursday et sortant des albums chez Rock Action (label de Mogwai).

Tokyo, Osaka, Fukuoka : les scènes

Tokyo concentre un écosystème dense :

  • Koenji (UFO Club, Niman Den-atsu, DOM)
  • Shinjuku (Antiknock)
  • Shin-Okubo (EARTHDOM)
  • Shimokitazawa (Shelter)
    Le tout soutenu par une économie D.I.Y. : labels, distros, disquaires, zines.

Osaka propose une version plus sale, plus métallique :

  • Hokage (quartier d’Amerikamura)
  • Fandango (mythique, aujourd’hui à Sakai)
  • King Cobra (sueur, graff, énergie brute)

Fukuoka, sur l’île de Kyushu, héberge aussi ses propres foyers de résistance : le club Kieth Flack revient régulièrement dans les scene reports.

Ce qui fait le son punk « à la japonaise »

1. Vitesse ressentie > vitesse réelle
Écoutez Gauze : les riffs sont compressés, les breaks claquent. Ce n’est pas juste rapide, c’est tendu.

2. Fusion sans barrière
Dès 1984, G.I.S.M. mêle métal, indus, hardcore. Plus tard, envy tire vers le post-rock sans renier la rage.

3. Burning Spirits
Un courant post-88 qui intègre les solos de la NWOBHM, une urgence lyrique et une énergie de feu. Il irrigue encore des groupes comme Death Side, Bastard, Paintbox.

4. Éthique D.I.Y. intégrale
Les groupes se financent par leurs T-shirts, les salles et distros travaillent main dans la main, et l’archivage passe aujourd’hui par Bandcamp Daily.

Comment s’y frotter aujourd’hui

Choisissez une salle selon votre soif de décibels :

  • Antiknock (Shinjuku) : programmation quotidienne, accessible.
  • EARTHDOM (Shin-Okubo) : extrême, radical, brut.
  • Shelter (Shimokitazawa) : format club, ambiance dense.
  • UFO Club : pour le versant psyché-punk.
  • Niman Den-atsu : pour respirer la cave Koenji.

Quelques règles non-écrites à respecter :
On relève les gens dans le pit.
On paye en cash (entrée + boisson).
On achète le merch directement souvent, c’est le seul moyen de soutenir le groupe.

Discographie

Groupe / ArtisteAlbum / PériodePourquoi c’est essentiel
G.I.S.M.Detestation (1984)Hardcore/métal indus avant tout le monde, culte total
The ComesNo Side (1983)Proto hardcore japonais, voix féminine furieuse
GauzeEqualizing Distort (1986) + lives « Disinfection »Grammaire du son japonais : sec, tendu, méthodique
envyAll the Footprints…Eunoia (2024)Screamo/post-hardcore d’export, arc émotionnel dense
OXZAlong Ago: 1981–1989 (2020)Underground féminin 80s retrouvé, puissant
Lip CreamKill Ugly PopVitesse hystérique, fondation du hardcore japonais

Culture et imageries : quand le punk se voit

Au-delà du son, le punk japonais a forgé une esthétique propre : Xerox, patches, affiches militantes. Mais aussi un rapport au lieu : Antiknock et ses carreaux rouges, les plafonds bas du 20,000V, les murs suintants du Hokage.

Au cinéma, rien ne surpasse encore Burst City. Ce n’est pas un film, c’est un torrent d’images et de son, célébré jusqu’à Pitchfork dans ses sélections punk.

Pourquoi ça tient encore debout ?

Parce que le Japon a injecté dans le punk :

  • un artisanat extrême : de la pochette au pressage
  • un goût du radical : performances, hybridations
  • une logistique urbaine : Tokyo permet aux micro-scènes d’exister à l’échelle d’un bloc

Les grands noms changent, certains mythes s’éteignent (Gauze, Sakevi), mais l’écosystème respire encore chaque soir, quelque part, un sous-sol s’ouvre, et tout recommence.

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Auteur/autrice : Louis Japon

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