Un miroir qui interroge aussi ce que nous entendons par multiculturalisme, citoyenneté et mémoire collective.

Si vous pensez aux Japonais au Canada, vous visualisez peut-ĂȘtre quelques bons sushis Ă Vancouver et câest tout. Pourtant, derriĂšre ces images familiĂšres, il y a une histoire beaucoup plus rude, qui traverse le racisme dâĂtat, les camps dâinternement, la confiscation de tous les biens et, plus tard, un long combat pour la reconnaissance.
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Une diaspora minuscule, un poids historique énorme
Aujourdâhui, environ 129 000 personnes se dĂ©clarent dâascendance japonaise au Canada, soit Ă peine 0,4 % de la population. La communautĂ© reste concentrĂ©e dans lâOuest, autour de Vancouver, Burnaby et Richmond, avec des noyaux plus petits Ă Calgary, Edmonton, Toronto ou MontrĂ©al.
Sur le papier, câest une minoritĂ© minuscule. Pourtant, symboliquement, les Japonais du Canada portent une histoire qui pĂšse lourd. Ils sont au centre de plusieurs dossiers majeurs du 20e siĂšcle canadien, racisme dâĂtat assumĂ©, internement de civils pourtant citoyens, dĂ©portations hors du pays, puis mise en place dâun des premiers grands programmes de rĂ©paration historique.
Si vous avez lâhabitude de suivre les dĂ©bats sur le Japon contemporain, vous retrouverez dâailleurs des Ă©chos de ces questions dans la façon dont lâarchipel gĂšre aujourdâhui sa propre transition vers plus de diversitĂ©, par exemple dans Le Japon vers une sociĂ©tĂ© plus multiculturelle ?.
Pionniers de Wakayama et naissance dâune communautĂ©
Tout commence Ă la fin du 19e siĂšcle, alors que le Canada est encore en construction et que le Japon de lâĂšre Meiji sâouvre vers lâextĂ©rieur. En 1877, un marin originaire de la prĂ©fecture de Wakayama, Manzo Nagano, quitte son navire Ă New Westminster, en Colombie-Britannique. Il est gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ© comme le premier Japonais Ă sâinstaller durablement au Canada.
Quelques annĂ©es plus tard, un autre homme de Wakayama, Kuno Gihei, retourne dans son village pour recruter des pĂȘcheurs. Il les emmĂšne Ă Steveston, petit port Ă lâembouchure du fleuve Fraser. Juste avant 1914, Steveston est devenue la deuxiĂšme plus grande communautĂ© nippo-canadienne du pays.
Cette premiĂšre vague de migrants, les issei, est composĂ©e en grande majoritĂ© de jeunes hommes ruraux, peu argentĂ©s, qui arrivent comme main-dâĆuvre. On les retrouve dans les conserveries de saumon le long de la cĂŽte pacifique, dans lâexploitation forestiĂšre et les scieries, et sur les chantiers de chemins de fer ou dans certaines mines, souvent dans des conditions proches du travail forcĂ©.
Ă la veille de la PremiĂšre Guerre mondiale, environ 10 000 Japonais vivent au Canada, dont 95 % en Colombie-Britannique. Ă Vancouver, un quartier japonais sâorganise autour de Powell Street, rapidement surnommĂ© Paueru-gai, avec commerces, auberges, journaux et associations.
Construire la cĂŽte Ouest, malgrĂ© lâhostilitĂ©
Sur le terrain, les Japonais sâintĂšgrent trĂšs vite aux Ă©conomies locales. Dans les conserveries de saumon, ils acceptent des salaires plus bas et des horaires plus lourds que leurs collĂšgues blancs, ce qui les rend vite indispensables aux patrons et en mĂȘme temps dĂ©testĂ©s par certains syndicats.
Dans lâagriculture, ils dĂ©veloppent des fermes maraĂźchĂšres et des cultures de fraises dans la vallĂ©e du Fraser, mais aussi plus loin en Alberta. Dâautres investissent dans de petits bateaux, deviennent propriĂ©taires de leur embarcation et concurrencent directement les pĂȘcheurs euro-canadiens.
Socialement, câest un modĂšle hybride. La communautĂ© sâauto-organise fortement par le biais dâĂ©coles de langue, de temples bouddhistes et dâassociations de soutien. En mĂȘme temps, elle sâinsĂšre rapidement dans le marchĂ© du travail canadien. Câest lĂ que se dessine un paradoxe qui va marquer tout le 20e siĂšcle, les Japonais sont dĂ©crits Ă la fois comme travailleurs, disciplinĂ©s, respectables, et comme menace raciale et Ă©conomique.
Quand le droit de cité est retiré
DĂšs que la communautĂ© devient visible, lâappareil politique provincial se durcit. En 1895, la Colombie-Britannique retire le droit de vote aux personnes dâorigine japonaise, y compris celles qui sont naturalisĂ©es. Avec cette exclusion Ă©lectorale, ce sont aussi le service de jurĂ©, certaines professions et, plus largement, la pleine citoyennetĂ© locale qui deviennent inaccessibles.
Au dĂ©but du 20e siĂšcle, la peur du fameux « pĂ©ril jaune » explose dans les rues de Vancouver. En 1907, des milliers de manifestants rĂ©unis par lâAsiatic Exclusion League attaquent des commerces chinois et japonais lors dâune Ă©meute raciste. Câest dans ce climat que le gouvernement canadien nĂ©gocie avec Tokyo le Hayashi-Lemieux Gentlemenâs Agreement de 1908.
Le Japon accepte de limiter volontairement lâĂ©migration vers le Canada Ă 400 hommes par an, ouvriers et domestiques. Les retours au pays et lâarrivĂ©e des Ă©pouses par mariage arrangĂ©, les fameuses picture brides, restent possibles. Cela permet Ă des milliers de femmes de rejoindre leurs maris au Canada, et Ă la communautĂ© de se stabiliser familialement. En 1928, le quota est abaissĂ© Ă 150 migrants par an, ce qui revient pratiquement Ă un gel de lâimmigration.
Le message dominant est limpide, les Japonais sont jugés inassimilables, trop solidaires entre eux, trop compétitifs sur le marché du travail, et donc à contenir. Pourtant, malgré ces contraintes, une génération nisei, née au Canada, grandit en considérant le pays comme son seul horizon.
1942 : quand la citoyenneté ne protÚge plus
Tout sâeffondre aprĂšs lâattaque de Pearl Harbor, le 7 dĂ©cembre 1941. Le Japon devient officiellement ennemi. En Colombie-Britannique, les discours racistes dĂ©jĂ anciens se combinent Ă la rhĂ©torique de la sĂ©curitĂ© nationale.
Au dĂ©but de 1942, Ottawa utilise la Loi sur les mesures de guerre pour crĂ©er une zone protĂ©gĂ©e de 160 kilomĂštres de profondeur le long de la cĂŽte Pacifique. Dans un premier temps, les hommes de 18 Ă 45 ans sont expulsĂ©s vers des camps de travail. TrĂšs vite, la mesure sâĂ©tend Ă toutes les personnes dâascendance japonaise, citoyennes ou non.
Entre 1942 et 1949, plus de 22 000 Japonais-Canadiens, soit plus de 90 % de la communautĂ©, sont dĂ©portĂ©s Ă lâintĂ©rieur du pays. Une partie est envoyĂ©e dans des camps de lâintĂ©rieur montagneux de la Colombie-Britannique, comme Slocan, New Denver ou Tashme. Dâautres sont affectĂ©s Ă des camps de travail routier ou forestier, ou dirigĂ©s vers des exploitations agricoles de betteraves Ă sucre en Alberta, au Manitoba et dans le sud de lâOntario. Quelques centaines sont enfermĂ©s dans des camps de prisonniers de guerre en Ontario.
Le point central, souvent sous-estimĂ©, tient Ă la question des biens. Maisons, bateaux de pĂȘche, commerces, terrains, infrastructures communautaires, tout est saisi, vendu par lâĂtat, officiellement pour financer lâinternement. Des Ă©tudes estimeront plus tard les pertes Ă©conomiques Ă plusieurs centaines de millions de dollars. La communautĂ© nâest pas seulement dĂ©placĂ©e, elle est littĂ©ralement dĂ©sancrĂ©e. Powell Street Ă Vancouver, Steveston et les villages de la cĂŽte sont vidĂ©s de leurs habitants japonais et rĂ©attribuĂ©s Ă dâautres.
AprĂšs les camps : dispersion, assimilation, silence
La fin de la guerre ne signifie pas la fin du rĂ©gime dâexception. Jusquâen 1949, les Japonais-Canadiens nâont pas le droit de revenir sur la cĂŽte de la Colombie-Britannique. Ă partir de 1945, deux options, toutes deux brutales, leur sont proposĂ©es.
La premiĂšre est la « repatriation » vers le Japon, pays que beaucoup nâont jamais vu, y compris des nisei et parfois des sansei, nĂ©s et socialisĂ©s au Canada. Environ 4 000 personnes seront effectivement dĂ©portĂ©es vers le Japon, parmi lesquelles des citoyens canadiens de naissance.
La seconde option est le dĂ©placement vers lâest du pays : Prairies, Ontario, QuĂ©bec. On leur propose une installation dite volontaire dans des villes oĂč il nâexiste quasiment pas de communautĂ© japonaise. Ils doivent tout reconstruire, souvent loin de la mer, dans des environnements oĂč leur histoire nâest connue de personne.
Ce moment laisse des traces profondes. La communautĂ© se fragmente gĂ©ographiquement. Lâassimilation sâaccĂ©lĂšre, parfois comme stratĂ©gie de survie; changement de nom, abandon volontaire de la langue japonaise Ă la maison, mariages mixtes. Dans beaucoup de familles, lâinternement devient un sujet tabou. On nâen parle pas aux enfants, pour Ă©viter la stigmatisation Ă lâĂ©cole ou au travail.
Les droits politiques sont rĂ©tablis lentement, morceau par morceau. Le vote fĂ©dĂ©ral pour les Japonais-Canadiens nâest rĂ©ellement garanti quâĂ la toute fin des annĂ©es 1940, dans un mouvement plus large de dĂ©mantĂšlement des rĂ©gimes raciaux hĂ©ritĂ©s du 19e siĂšcle.
Des annĂ©es 1970 Ă 1988 : construire un dossier contre lâoubli
Ă partir des annĂ©es 1960 et surtout 1970, une nouvelle gĂ©nĂ©ration, souvent mieux Ă©duquĂ©e, commence Ă remettre en cause la version officielle de lâinternement : un mal nĂ©cessaire en temps de guerre. Les enfants et petits-enfants des internĂ©s se mettent Ă poser des questions. Pourquoi avons-nous perdu la maison familiale? Pourquoi grand-mĂšre refuse de parler de son adolescence? Pourquoi grand-pĂšre a-t-il un accent japonais mais nous ne parlons pas la langue?
Des associations se crĂ©ent et se structurent. La plus importante est la National Association of Japanese Canadians, NAJC, qui va jouer un rĂŽle central dans la bataille pour le redressment, le redress. Le travail est mĂ©thodique. On collecte des tĂ©moignages, on sort des cartons des lettres, des photos, des listes de biens confisquĂ©s. Des Ă©conomistes calculent les pertes subies par la communautĂ©. Des militants se consacrent au lobbying auprĂšs dâOttawa, en inscrivant le dossier nippo-canadien dans un dĂ©bat plus large sur les droits humains et les abus de la Loi sur les mesures de guerre.
Le mouvement est nourri aussi par ce qui se passe aux Ătats-Unis. Les Japonais-AmĂ©ricains obtiennent, dans les annĂ©es 1980, une loi de rĂ©paration aprĂšs un combat similaire. Cela renforce lâidĂ©e que ce qui a Ă©tĂ© fait au Canada doit aussi ĂȘtre rĂ©parĂ©, concrĂštement et symboliquement.
Le 22 septembre 1988, aprĂšs des annĂ©es de nĂ©gociations, le Premier ministre Brian Mulroney prĂ©sente des excuses officielles au Parlement et signe un accord avec la NAJC. Lâarchitecture de ce redressment est inĂ©dite Ă lâĂ©poque.
Chaque personne encore vivante qui a Ă©tĂ© internĂ©e, dĂ©placĂ©e ou privĂ©e de ses droits entre 1941 et 1949 reçoit 21 000 dollars. Un fonds communautaire de 12 millions de dollars est créé pour reconstruire les institutions et infrastructures japonaises-canadiennes. Une nouvelle fondation, la Canadian Race Relations Foundation, est dotĂ©e de 24 millions de dollars, avec un financement partagĂ© entre lâĂtat et la communautĂ©. La citoyennetĂ© est restaurĂ©e pour les personnes dĂ©portĂ©es et leurs descendants, et les condamnations prononcĂ©es en vertu de la Loi sur les mesures de guerre sont annulĂ©es.
Pour la premiĂšre fois, lâĂtat canadien met en place un dispositif de rĂ©paration aussi massif pour un groupe ciblĂ©. Ce modĂšle inspirera dâautres demandes de justice historique dans les dĂ©cennies suivantes.
Reconstruire sans territoire : musées, résidences, festivals
Le fonds communautaire de 12 millions de dollars ne reste pas thĂ©orique. Dans lâOuest canadien, il finance des projets trĂšs concrets. Lâun des plus emblĂ©matiques est Nikkei Place, un ensemble de trois hectares Ă Burnaby, prĂšs de Vancouver.
Nikkei Place regroupe le Nikkei National Museum & Cultural Centre, principal musĂ©e dâhistoire des Japonais au Canada, des rĂ©sidences pour personnes ĂągĂ©es japonaises-canadiennes, comme New Sakura-so ou Nikkei Home, ainsi que des espaces pour festivals, archives et expositions. Ce nâest pas seulement un lieu de mĂ©moire, câest une sorte de quartier de substitution, nĂ© dâun fonds de rĂ©paration pour compenser la disparition de Paueru-gai, de Steveston ou dâautres enclaves cĂŽtiĂšres.
En parallĂšle, des festivals comme le Powell Street Festival rĂ©investissent chaque annĂ©e les lieux dâorigine. Lâancien quartier japonais de Vancouver se transforme chaque Ă©tĂ© en espace de musique, de gastronomie, dâarts et de cĂ©rĂ©monies commĂ©moratives. Si vous aimez suivre la vie des conventions et festivals japonais hors du Japon, vous retrouverez ce type dâĂ©vĂ©nements dans des panoramas comme la liste des conventions anime, manga et Cool Japan, qui incluent aussi des rendez-vous au Canada.
Japonais au Canada aujourdâhui
DĂ©mographiquement, la diaspora japonaise au Canada reste petite comparĂ©e aux communautĂ©s chinoise ou sud-asiatique. Les donnĂ©es de recensement indiquent quâen 2021, environ 129 000 personnes se dĂ©claraient dâascendance japonaise.
Plusieurs traits marquants se dĂ©gagent. Dâabord, une forte proportion de personnes nĂ©es au Canada. Les flux migratoires rĂ©cents en provenance du Japon existent, mais restent modestes. Ensuite, un taux trĂšs Ă©levĂ© de mariages mixtes. DĂšs 2001, les Japonais-Canadiens Ă©taient le groupe minoritaire le plus susceptible dâavoir un conjoint non japonais. Dans seulement environ 30 % des couples impliquant au moins une personne dâorigine japonaise, les deux partenaires sont eux-mĂȘmes dâascendance japonaise.
Enfin, la rĂ©partition gĂ©ographique sâest Ă©largie vers lâEst, avec des communautĂ©s visibles Ă Toronto, Winnipeg ou MontrĂ©al, mĂȘme si la Colombie-Britannique reste le cĆur historique.
Cette hyper-intĂ©gration a un effet paradoxal; la communautĂ© devient moins visible en tant que telle. Dans lâimaginaire populaire, lâhistoire japonaise au Canada se rĂ©sume souvent Ă quelques images dâarchives des camps, sans que lâon perçoive la profondeur du travail de reconstruction, la diversitĂ© religieuse et linguistique ou lâarrivĂ©e de nouvelles vagues de migrants depuis les annĂ©es 1990.
Dans le mĂȘme temps, une nouvelle gĂ©nĂ©ration yonsei, quatriĂšme gĂ©nĂ©ration, se tourne vers les archives, la littĂ©rature, le cinĂ©ma ou le militantisme pour interroger lâhĂ©ritage familial et le rattacher aux dĂ©bats actuels sur le racisme systĂ©mique et les politiques sĂ©curitaires. Si vous faites vous-mĂȘme des aller-retours entre Canada et Japon, ou que vous envisagez une expĂ©rience sur place, vous croiserez peut-ĂȘtre ces enjeux via des dispositifs comme le programme JET, qui tissent aujourdâhui dâautres formes de circulation entre les deux pays.
Mémoire, culture pop et usages politiques du passé
Sur le terrain, la mĂ©moire japonaise-canadienne se matĂ©rialise dans plusieurs types de lieux et de pratiques. On trouve des centres communautaires Ă Vancouver, Toronto, Calgary, Edmonton, Lethbridge ou Winnipeg. Des musĂ©es de site, comme le Nikkei Internment Memorial Centre Ă New Denver, occupent lâemplacement mĂȘme dâanciens camps. Les visiteurs y voient les baraquements, les photos, les archives qui donnent un visage humain Ă ce qui pourrait autrement rester une date dans un manuel.
Dans les grandes villes, la culture japonaise apparaĂźt aussi sous une forme plus diffuse. Restaurants, izakaya, Ă©coles de langue, clubs de judo, Ă©vĂ©nements autour de lâanimĂ©, du manga ou des jeux vidĂ©o coexistent avec ce passĂ© plus sombre. La mĂȘme esthĂ©tique kawaii que lâon retrouve dans les conventions ou les festivals sert parfois aussi Ă attirer lâattention sur des expositions ou des initiatives de mĂ©moire.
On peut distinguer plusieurs registres complĂ©mentaires. Un registre patrimonial et civique, incarnĂ© par les musĂ©es, les fondations, les bourses et les programmes Ă©ducatifs financĂ©s en partie par le fonds de redressment. Un registre pop globalisĂ©, oĂč les acteurs japonais-canadiens sont prĂ©sents mais pas toujours identifiĂ©s comme tels, tant lâunivers anime et J-pop dĂ©passe les frontiĂšres nationales. Et un registre militant plus discret, qui mobilise lâinternement comme prĂ©cĂ©dent pour rĂ©flĂ©chir aux formes actuelles de surveillance, de dĂ©tention dâĂ©trangers ou de mesures dâexception.
Ce que le parcours nippo-canadien dit du Canada
Lâhistoire des Japonais au Canada agit comme un test de rĂ©sistance pour le rĂ©cit dâun pays prĂ©sentĂ© comme naturellement tolĂ©rant et multiculturel. Elle rappelle que la citoyennetĂ© nâa pas protĂ©gĂ© une minoritĂ© pourtant bien installĂ©e, en grande partie nĂ©e sur place. Elle montre que la logique Ă©conomique et raciale, construite autour de la main-dâĆuvre bon marchĂ©, de la concurrence sur le marchĂ© du travail et du fantasme du pĂ©ril jaune, a structurĂ© les politiques dĂšs lâorigine, longtemps avant la guerre.
Elle met aussi en lumiĂšre la capacitĂ© de la communautĂ© Ă transformer un traumatisme en pouvoir politique, jusquâĂ imposer un programme de rĂ©paration pionnier Ă la fin des annĂ©es 1980. Ce processus nâannule pas le passĂ©, mais il donne des outils pour le nommer, le transmettre et le relier Ă dâautres luttes.
Aujourdâhui, le parcours nippo-canadien est Ă la fois profondĂ©ment local, ancrĂ© dans les ports de la cĂŽte Pacifique, les camps de lâintĂ©rieur, les banlieues de Vancouver, et rĂ©solument global, reliĂ© aux autres diasporas japonaises des AmĂ©riques et aux dĂ©bats mondiaux sur la mĂ©moire des violences dâĂtat.
Et vous, oĂč vous situez-vous dans cette histoire? Lecteur ou lectrice au Canada, au Japon, ailleurs francophone, peut-ĂȘtre que vous avez dans votre entourage une personne dâorigine japonaise qui porte ce passĂ© sans le dire. Peut-ĂȘtre que vous connaissiez dĂ©jĂ les camps, mais pas la confiscation totale des biens. Ou peut-ĂȘtre que vous dĂ©couvrez seulement que cette histoire existe, ici, et quâelle continue de façonner silencieusement le pays.
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