Un lexique scientifique pour décrire les moindres nuances d’un simple bol de riz blanc en une fascinante aventure sensorielle.

Au Japon, le riz n’est pas juste un accompagnement banal. Il est au cœur de la culture, du patrimoine culinaire et même de la vie quotidienne. Tellement central qu’un dictionnaire dédié à ses saveurs est en cours de rédaction !
🇯🇵 Le riz au Japon : plus qu’un aliment, une institution
Commençons par une vérité fondamentale : au Japon, le riz est sacré. Il ne s’agit pas d’un simple féculent sans saveur qu’on noie sous la sauce. Là-bas, il est dégusté nature, avec un sens aigu du détail et du respect.
Historiquement, le riz servait même de monnaie et il est encore aujourd’hui omniprésent dans les rituels, les repas familiaux et la haute gastronomie. Le mot gohan signifie à la fois « riz cuit » et « repas ». C’est dire son importance. On le goûte, on l’analyse, on en débat. Pour les maîtres sushi, le riz (le shari) est aussi crucial que le poisson lui-même. Une simple « sensation râpeuse dans la gorge » peut suffire à disqualifier une variété aux yeux des puristes.
Dans cette culture du détail, chaque arôme, chaque texture, chaque reflet compte. Alors, quoi de plus logique que de vouloir enfin mettre de l’ordre dans ce vaste univers sensoriel ?
📚 Un dictionnaire pour décrire le goût du riz ? Une idée folle… mais bien réelle
À l’origine de ce projet aussi pointu que passionné, on trouve Fumiyo Hayakawa, chercheuse au NARO (Institut national de recherche agronomique) de Tsukuba. Avec le soutien d’Itochu Food, elle pilote la création d’un lexique officiel des saveurs du riz blanc. L’objectif ? Que tout le monde parle le même langage du riz, du cultivateur au consommateur, en passant par les critiques gastronomiques.
Aujourd’hui, chacun emploie ses propres termes, ce qui prête à confusion. Par exemple, certains Japonais pensent que « riz frais » signifie « collant », alors que d’autres entendent par là une récolte récente. Ce genre de malentendu rend difficile la promotion des différentes variétés.
Standardiser les descriptions, c’est permettre une meilleure communication, une valorisation fine des récoltes et un marketing plus juste – exactement comme on le fait avec le vin ou le café.
🔍 7 000 mots pour un grain de riz : une richesse insoupçonnée
Pour bâtir ce dictionnaire, les chercheurs ont récolté plus de 7 000 termes et expressions en épluchant articles scientifiques, catalogues de cuiseurs et revues culinaires. Le résultat ? Une avalanche de mots pour parler de texture, goût, brillance, élasticité…
Voici quelques exemples :
Terme japonais | Signification |
---|---|
ふっくら (fukkura) | Grains dodus et moelleux, bien aérés |
もっちり (motchiri) | Texture collante et élastique, comme un mochi |
艶々 (tsuya-tsuya) | Aspect brillant et appétissant |
粒立ちがよい (tsubudachi ga yoi) | Grains bien séparés, ni collants ni pâteux |
しっとり (shitto-ri) | Humide juste ce qu’il faut |
ぷりぷり (puri-puri) | Ferme et rebondissant |
カリカリ (kari-kari) | Légèrement croustillant, surtout après cuisson grillée |
Les chercheurs ont ensuite sélectionné environ 100 mots clés, répartis en quatre grandes catégories : apparence, goût, arôme, texture. Le défi maintenant ? Définir chaque terme précisément, avec synonymes, antonymes et exemples à l’appui.
🌏 Une révolution sensorielle (et culturelle)
La finalisation du dictionnaire est prévue pour mars 2025, et il sera publié en ligne par le NARO. Mais son objectif va bien au-delà du monde professionnel : il s’adresse aussi aux consommateurs curieux. Imaginez pouvoir choisir votre riz comme vous choisissez un café ou un vin : « léger, sucré, à l’umami prononcé », « moelleux et brillant », ou encore « avec des notes subtiles de noisette ».
Ce projet révèle aussi un fossé culturel passionnant. En Occident, le riz est souvent perçu comme fade, sans intérêt gustatif. Au Japon, il est au contraire au centre de toutes les attentions. On débat des différences entre un koshihikari et un akitanomé comme on le ferait entre un Bordeaux et un Bourgogne. Tout est question de température, d’humidité, de texture, de brillance… et même de nodogoshi, cette sensation dans la gorge après avoir avalé.
🧠 Le riz, ce héros discret devenu star
Ce dictionnaire, c’est un peu la revanche du riz blanc, souvent sous-estimé mais finalement incroyablement riche. C’est aussi un hommage à l’art de prêter attention aux détails, et à cette capacité japonaise à transformer un geste simple – manger un bol de riz – en une expérience sensorielle complète.
Et vous, la prochaine fois que vous dégusterez du riz blanc, penserez-vous à ses notes subtiles ? Peut-être même tenterez-vous de lui trouver un mot, comme les dégustateurs japonais passionnés.
Et si on commençait, nous aussi, à prêter un peu plus d’attention à ce que l’on mange ? Peut-être qu’un simple bol de riz cache en fait… tout un univers de saveurs insoupçonnées. Une chose est sûre : ce n’est plus « juste » du riz.
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