đŸ‡ŻđŸ‡” Quand le drapeau devient une arme au Japon

Tout est parti du Hi no Maru, brandi par un Ă©tudiant dans une version “barrĂ©e” de noir lors d’un meeting politique.

drapeau devient une arme au Japon

Tout ressemble Ă  une friction politique ordinaire : un rassemblement, des slogans, des contre-manifestants, un moment de provocation au milieu du bruit…

Sauf qu’ici, la droite nationaliste ne lit pas une critique de parti, elle lit un sacrilĂšge. Dans le rĂ©cit qui se met en place, ce n’est plus un Ă©tudiant qui proteste… c’est “le Japon” qu’on insulte. Et quand un symbole est traitĂ© comme une personne, la tentation devient immĂ©diate : punir.

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Ce glissement est crucial, parce qu’il change la question. On ne dĂ©bat plus d’un programme ou d’un slogan, on dĂ©bat d’un seuil de tolĂ©rance publique. Et quand le dĂ©bat devient un test de loyautĂ©, vous le sentez venir : la nuance recule, la sanction avance.

Fabriquer un crime d’intention

La proposition pousse une logique redoutablement commode pour un pouvoir : ne plus juger seulement un acte, mais l’intention supposĂ©e derriĂšre l’acte, ici “l’intention d’insulter”. Sur le papier, ça paraĂźt cadrĂ©. Dans la vraie vie, c’est Ă©lastique.

Car une intention ne se mesure pas comme une dĂ©gradation matĂ©rielle. Elle s’infĂšre, elle s’interprĂšte, elle se devine au contexte, Ă  la tĂȘte du manifestant, Ă  la cause du jour, Ă  la tension du moment. Vous n’avez mĂȘme pas besoin d’une avalanche de condamnations pour que ça marche: il suffit que le risque existe pour que certains gestes disparaissent, par prudence.

L’argument d’apparence logique

C’est lĂ  que la proposition se donne une allure de bon sens. Le Japon n’est pas dĂ©pourvu de texte, son Code pĂ©nal punit dĂ©jĂ  l’atteinte
 au drapeau d’un État Ă©tranger. L’article 92 prĂ©voit jusqu’à deux ans d’emprisonnement avec travail ou une amende pouvant aller jusqu’à 200.000 yens pour qui endommage, retire ou souille un emblĂšme national Ă©tranger “dans le but d’insulter” l’État visĂ©, et il n’y a poursuites qu’à la demande du gouvernement concernĂ©.

La manƓuvre politique est alors presque automatique, prĂ©senter la nouvelle infraction comme une “correction d’asymĂ©trie”. Sauf que l’article 92 est pensĂ© comme un pare-chocs diplomatique, un outil pour Ă©viter un incident international. Le transposer Ă  l’intĂ©rieur, sans filtre diplomatique, change sa nature: on passe d’une gestion des relations entre États Ă  une police morale du dĂ©bat domestique.

Et si vous voulez replacer cette tension dans l’architecture dĂ©mocratique du pays, ce contexte aide Ă  comprendre pourquoi le sujet est si sensible : Le Japon est-il vraiment une dĂ©mocratie ?.

Article 21

Face Ă  ce rĂ©flexe punitif, l’objection est directe, l’article 21 de la Constitution japonaise garantit la libertĂ© de rĂ©union, d’association, de parole, de presse et “toutes les autres formes d’expression”, et interdit la censure.

Un prĂ©cĂ©dent rĂ©cent a justement rappelĂ© que l’État devait marcher sur des Ɠufs dĂšs qu’il touche Ă  l’expression politique. Dans l’affaire dite des “yaji” Ă  Sapporo, des citoyens avaient Ă©tĂ© Ă©cartĂ©s par la police lors d’un discours Ă©lectoral en 2019 pour des interpellations bruyantes. La Cour suprĂȘme a confirmĂ© la finalisation d’une condamnation de l’autoritĂ© locale Ă  indemniser, consolidant l’idĂ©e qu’une intervention policiĂšre contre l’expression en contexte politique exige une justification trĂšs Ă©levĂ©e.

À partir de lĂ , une question vous saute au visage, si crier une opposition peut ĂȘtre protĂ©gĂ©, pourquoi un geste symbolique, mĂȘme provocateur, serait-il automatiquement criminalisĂ©?

Sanseitƍ n’a pas besoin d’ĂȘtre majoritaire pour gagner une bataille culturelle. Il lui suffit de dĂ©placer le cadre, puis d’offrir aux partis plus installĂ©s une sortie “d’ordre” facile Ă  vendre. Et c’est ce qui rend la sĂ©quence concrĂšte, des mĂ©dias ont rapportĂ© qu’un accord politique entre le PLD et Ishin mentionne explicitement l’examen, voire l’adoption, d’un dĂ©lit de dĂ©gradation du drapeau lors de la prochaine session ordinaire de la DiĂšte.

Dans ce type de configuration, le symbole devient un levier. Vous ne votez plus sur une peine ou une dĂ©finition juridique, vous votez sur l’idĂ©e de “respect”. Et personne n’aime avoir l’air de dĂ©fendre “l’irrespect”, mĂȘme quand c’est prĂ©cisĂ©ment ça, la libertĂ© politique.

Ce que la loi toucherait vraiment

À ce stade, vous pouvez vous demander, “D’accord, mais qui a envie de brĂ»ler un drapeau?” Justement. Les textes de ce type n’attrapent pas seulement des actes extrĂȘmes. Ils crĂ©ent un climat oĂč l’art, la satire, la performance, le dĂ©tournement visuel, la contre-manifestation deviennent plus risquĂ©s Ă  organiser, Ă  financer, Ă  hĂ©berger.

Le cƓur du problĂšme, ce n’est pas le tissu. C’est l’idĂ©e que certaines critiques ne sont plus seulement impopulaires ou choquantes, mais pĂ©nalement suspectes. MĂȘme avec peu de condamnations, l’effet dissuasif peut suffire Ă  faire taire les formes d’expression les plus visibles, celles qui bousculent.

Le miroir américain

Cette stratĂ©gie n’est pas propre au Japon. Aux États-Unis, Donald Trump a signĂ© le 25 aoĂ»t 2025 un dĂ©cret demandant au procureur gĂ©nĂ©ral de poursuivre les actes de profanation du drapeau amĂ©ricain, relançant un affrontement frontal avec la protection constitutionnelle de ce type d’expression politique.

Les architectures juridiques diffÚrent, mais la logique politique se ressemble, transformer un symbole national en frontiÚre pénale, puis forcer juges et opinion à choisir entre liberté et sacralité civique.

Au fond, ce n’est pas une querelle de drapeau. C’est une dispute sur la propriĂ©tĂ© du langage politique, qui a le droit de dire “non”, et jusqu’oĂč vous avez le droit de le montrer.

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Auteur/autrice : Louis Japon

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