Explorez dans cet article l’un des concepts philosophiques japonais les plus captivants : le « Mono no Aware » (物の哀れ).
De nombreux penseurs classiques japonais soutiennent que le « mono no aware » incarne l’âme du Japon. Cependant, quelle est réellement la signification de ce concept ?
Il est généralement associé à une sensation poignante de fugacité, un instant triste et magnifique incarnant le passage des vies et des objets : la splendeur des feuilles d’automne juste avant leur chute ou encore le spectacle des cerisiers en fleurs…
Mono no Aware est un concept intéressant car il met en lumière une distinction essentielle entre la culture japonaise et la culture occidentale.
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Cette distinction peut être mise en lumière en comparant le « Mono no Aware » au concept européen de « memento mori », qui partagent tous 2 une préoccupation pour la nature éphémère de la vie, mais qui diffèrent dans leur approche (nous le verrons plus tard).
Dans cet article, nous explorerons l’origine de ce concept, son étymologie, et sa signification dans le contexte japonais.
🍂 Étymologie du Mono no Aware
On peut traduire simplement « mono no aware » (物の哀れ) par l’empathie envers les choses ou encore la sensibilité pour l’éphémère.
Le terme se compose de 2 éléments assemblés par la particule « no » (の) qui indique ici une propriété détenue par un objet :
- « mono » (物), qui signifie « chose »
- « aware » (哀れ), une interjection qui pourrait être traduite par « ah ! », « sentiment » ou encore « émotion »
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À l’époque Heian, l’interjection était couramment utilisée pour exprimer une surprise mesurée et contrôlée permettant de montrer qu’une chose nous affecte immédiatement et involontairement, avant que nous puissions mettre ce sentiment en mots.
Ainsi, littéralement, « Mono no Aware » peut être compris comme « l’aspect ah ! des choses ». Cependant, pour saisir pleinement sa signification, il est nécessaire de plonger plus profondément dans sa philosophie…
De nombreuses personnes affirment que le terme est devenu courant parmi les universitaires japonais pendant la période d’Edo via le kokugaku et en particulier via une critique et d’une analyse du Dit du Genji par le savant Motoori Norinaga.
Selon Norinaga, le concept nippon de « Mono no Aware » est plus qu’un simple sentiment subjectif, c’est aussi une forme de connaissance. Il écrivait :
« Connaître le Mono no Aware, c’est discerner la puissance et l’essence, non seulement de la lune et des cerisiers en fleurs, mais de chaque chose existant dans ce monde, et être ému par chacune d’elles. »
🍂 Mono no Aware : une émotion japonaise unique
L’emphase mise par « Mono no Aware » sur la beauté d’une nature fuyante du monde ancre le concept dans la contemplation et la description résignée : les fleurs qui tombent, les changements de lune, le passage des saisons, les plaintes mélancoliques des oiseaux ou des insectes, et l’absence d’amis ou d’amour.
Le mono no aware ne nous forme pas seulement à devenir plus sensibles à la beauté mais aussi peut nous aider à accepter davantage la mortalité et l’éphémére qui rendent parfois la vie douloureuse.
Par comparaison le « memento mori » européen rappelle également l’impermanence et la vanité des biens terrestres mais se concentre sur la dichotomie entre le péché et la vertu (liée au christianisme).
Cette différence permet de comprendre bien des différences culturelles entres sociétés japonaise et occidentales, ainsi que les approches philosophiques divergentes envers la nature de l’existence.
Le Mono no Aware nippon invitant à méditer sur la beauté transitoire des choses et à ressentir de l’empathie envers leur impermanence tandis que le « memento mori » incite à l’action et à embrasser le « carpe diem » (saisir l’instant présent).
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Le concept de Mono no Aware nous incite à contempler la fragilité de la vie et à cultiver une empathie envers toutes les choses qui composent notre existence. La source de tristesse, la nature périssable des choses, est ce qui leur confère une beauté singulière et un pouvoir émouvant.
C’est une connaissance immédiate et directe des qualités distinctives qui caractérisent un phénomène unique, ce qui ne peut pas être généralisé, mais peut seulement être ressenti avec le cœur et l’esprit.
Le plus grand soulagement survient lorsque quelqu’un d’autre partage le mono no Aware et partage son ressenti. Dans ce petit moment collectif d' »aware », réside la possibilité d’un sentiment de communauté très japonais !
🍂 Mono no Aware aujourd’hui
Il est indéniable que la culture japonaise entretient encore une relation spéciale avec l’impermanence, comme le démontre l’enthousiasme des résidents japonais pour les cerisiers en fleurs au printemps, les hortensias en été et les feuilles d’automne en automne.
Cet état d’esprit profondément métaphorique est même aujourd’hui au cœur du marketing japonais, notamment la culture des produits saisonniers.
Dans la culture contemporaine nippone le concept se distingue aussi comme l’un des des plus importants de la critique et du style japonais traditionnel.
Sa signification profonde est illustrée à travers les œuvres d’artistes comme Yasunari Kawabata ou Yasujiro Ozu.
Le concept trouve également sa place dans le monde du manga et de l’anime, avec des artistes de manga tels que Hitoshi Ashinano, Kozue Amano ou Kaoru Mori.
De nombreuses œuvres japonaise sont associées à une « absence de résolution » propre à l’émotion de Mono no Aware. Pour faire simple une histoire sans une fin satisfaisante.
Avec la diffusion du cinéma japonais, nous avons également vu des œuvres étrangères exploiter le sentiment de Mono no Aware, comme avec « Hiroshima Mon Amour » d’Alain Resnais :
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