Malgré son statut d’icône à l’heure actuelle, les débuts de Kojima dans le secteur des jeux vidéo ont été difficiles !

Hideo Kojima incarne, mieux que quiconque, la symbiose entre le grand écran et l’univers vidéoludique. Comment ce passionné de films a révolutionné l’industrie du jeu vidéo grâce à sa créativité sans limites ?
Enfance et premières influences
Hideo Kojima (小島 秀夫) voit le jour le 24 août 1963 dans l’arrondissement de Setagaya, à Tokyo, au sein d’une famille aisée. À trois ans, il déménage dans la région du Kansai – un carrefour culturel comprenant Osaka et Kobe – où son environnement nourrit déjà son goût pour la création.
Chaque soir, son père organise de véritables marathons cinématographiques, allant des classiques d’Alfred Hitchcock à des films parfois inadaptés à son jeune âge. Cette immersion totale dans la narration visuelle deviendra la pierre angulaire de son style, à mi-chemin entre tension dramatique et mise en scène cinématographique.
Mais son parcours est brutalement marqué par le décès de son père alors qu’il n’a que 13 ans. Cette perte précoce laisse une empreinte indélébile sur sa vision du monde. Elle alimente la mélancolie existentielle et les réflexions sur l’héritage, la filiation et la mort, thématiques qui reviendront souvent dans ses œuvres (de Metal Gear Solid à Death Stranding).
En grandissant, il était certain de vouloir travailler dans un domaine créatif, mais ses rêves étaient en contradiction avec les normes sociales japonaises, où un emploi de salary man était considéré comme l’objectif indispensable pour une vie réussie.
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Malgré son amour du septième art, Kojima se dirige vers des études d’économie, plus rassurantes financièrement. Parallèlement, il tourne des courts-métrages en 8 mm et écrit des nouvelles, peaufinant son sens du récit.
Son déclic survient lorsqu’il découvre la Nintendo Entertainment System (NES) au milieu des années 1980. Ébloui par le potentiel narratif de ce nouveau médium, il voit dans le jeu vidéo « la synthèse parfaite entre littérature, cinéma et interactivité ».
À l’époque, ce médium commençait à peine à prendre forme et son annonce à ses amis et à ses pairs était accueillie avec scepticisme – comment peut-on gagner de l’argent avec une mode passagère visant les enfants ? Dans cette industrie encore balbutiante, il pressent qu’il pourra briser les codes traditionnels du storytelling et imposer sa patte créative.
Début de carrière
En 1986, Kojima rejoint Konami comme assistant directeur de projet. La rigidité de l’entreprise le frappe de plein fouet : son premier projet ambitieux, Lost Warld, est annulé malgré des avancées prometteuses. Relégué sur des titres de seconde zone comme Penguin Adventure (1986), il explore toutefois les capacités limitées du MSX2, un ordinateur personnel qui lui impose de repenser le game design.
Cette contrainte se mue en opportunité avec la création de Metal Gear (1987). Ne pouvant afficher beaucoup d’ennemis à l’écran, il réinvente le gameplay d’action en un système d’« infiltration » : le joueur doit éviter les combats plutôt que les chercher. Ainsi naît le genre stealth, et Kojima s’impose comme l’un des premiers à ériger la contrainte technique en force créative.
Le manque de puissance du matériel MSX ne permettait pas d’afficher nombreux détails, exit d’affichage de nombreux ennemis à l’écran en même temps, mais Kojima décida alors de contourner ce problème en s’inspirant de l’un de ses films préférés, La Grande Évasion (de 1963).
Il a donc décidé de centrer l’action du point de vue d’un soldat solitaire qui doit infiltrer une installation ennemie sans se faire prendre. Le genre du jeu d’infiltration était né et Metal Gear (メタルギア) fait un tabac dès son arrivée :
Kojima travaillera sur une suite bien accueillie, Metal Gear 2 : Solid Snake (ソリッドスネークメタルギア2), peu après. En 1994, il passe au PC et à la PlayStation pour réaliser Policenauts (ポリスノーツ), une autre aventure graphique, rendant cette fois hommage aux films d’Hollywood.
C’est alors que Kojima allait réaliser sa prochaine grande œuvre, un jeu qui allait cimenter sa réputation : l’incontournable Metal Gear Solid (メタルギアソリッド).
Sorti le 3 septembre 1998 sur la PlayStation 1, le jeu a fait immédiatement l’unanimité et était réputé comme meilleur jeu jamais réalisé. À l’époque, il était totalement unique : furtivité, action et narration avec le genre de finition de superproduction Hollywoodienne…
Marié et père de deux enfants. Kojima sort ensuite des suites, Metal Gear Solid 2 : Sons Of Liberty puis Metal Gear Solid 3 : Snake Eater.
En parallèle Kojima a dirigé d’autres séries de jeux en plus de sa saga Metal Gear, notamment Zone Of The Enders et Boktai sur Game Boy Advance. Il a continué à diriger un certain nombre de titres Metal Gear, dont le chef d’œuvre reste Metal Gear Solid V : The Phantom Pain.
En 2015 son studio de développement Kojima Productions était poussé dans de tels retranchements qu’il a rompu à jamais sa relation avec Konami, banni à jamais de sa franchise.
Le phénix Kojima
L’histoire ne s’arrête pas là. Kojima annonce qu’il quitte Konami pour fonder son propre studio indépendant, après une petite traversée du désert, il conserve le nom de Kojima Productions et annonce dans la foulée un partenariat avec Sony Computer Entertainment pour développer un jeu qui sortira exclusivement sur PlayStation 4 : Death Stranding !
Récupéré des restes d’un projet annulé qui aurait été le prochain jeu de Silent Hill, Death Stranding présente un univers post-apocalyptique dans lequel la population vit isolée dans les villes et dans des abris de survie, incapable de sortir à cause des conditions dangereuses liées à un événement appelé le « Death Stranding ».
Au début de l’année 2020, de nombreuses personnes ont relevé des similitudes avec la pandémie de COVID-19, notamment l’accent mis par le jeu sur les thèmes de l’isolement, de la solitude et de la division politique. Et plus récemment en avril 2020, la British Academy of Film and Television Arts (BAFTA) lui décerne un Fellowship Award en reconnaissance de sa contribution créative à l’industrie du jeu vidéo.
À plus de 60 ans, Hideo Kojima demeure un paradoxe vivant : à la fois auteur de blockbusters commerciaux et créateur expérimental, nostalgique du cinéma classique et pionnier des nouvelles technologies. Son histoire prouve qu’une vision personnelle peut élever le jeu vidéo au rang d’art, dans un médium où tout restait à inventer.
Alors que Death Stranding 2 prend la lumière, Kojima incarne toujours cet enfant fasciné par les projecteurs, les bobines et la pellicule. Sauf qu’aujourd’hui, son écran s’étend à la planète entière, un joueur connecté après l’autre.
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