Présenté en ouverture à la Quinzaine des Cinéastes à Cannes, ce film inclassable mêle douceur, absurdité et quotidien.

Certains films ne crient pas, ne courent pas, ne s’imposent pas. Ils s’invitent doucement, comme une conversation à l’ombre d’un arbre, un après-midi d’été.
The Taste of Tea (茶の味), réalisé en 2004 par Katsuhito Ishii, fait partie de ces œuvres.
🏡 L’univers Haruno : une famille comme un paysage d’été
Nous voilà transportés dans une maison perdue au cœur de Tochigi, où le soleil, les cigales et les rituels du quotidien composent une musique de fond apaisante. Au centre de cette symphonie, la famille Haruno, à la fois singulière et profondément familière.
Nobuo, le père, est hypnothérapeute. Il hypnotise ses patients, parfois sa famille, souvent lui-même. Yoshiko, la mère, reprend doucement son ancien métier d’animatrice. Ses dessins sont comme des fenêtres vers un rêve laissé de côté. Hajime, leur fils adolescent, traverse les émois du premier amour et les remous de la timidité. Pour conquérir sa camarade, il se transforme en joueur de go acharné, comme si la stratégie pouvait vaincre le silence. Sachiko, leur fille de huit ans, est suivie partout par un double géant et muet d’elle-même, une présence paisible et étrange qui incarne ses angoisses enfantines. Enfin, le grand-père, ancien animateur devenu électron libre, rayonne d’une énergie joyeuse et farfelue.
Chacun vit un été intérieur. Rien de spectaculaire, mais chaque détail devient essentiel. Le temps s’étire, les émotions flottent, et le spectateur se laisse porter.
🎨 Un style qui respire : Ishii, entre zen et pop psychédélique
Ce qui rend The Taste of Tea si unique, c’est le regard de son réalisateur. Katsuhito Ishii filme à hauteur d’âme. Sa caméra reste souvent fixe, comme un témoin discret du quotidien. Puis soudain, surgit l’animation, l’absurde, un effet surréaliste qui transforme la banalité en poésie.
Le film oscille entre contemplation et décalage. On pense à Ozu en tongs, à Fanny et Alexandre baignés de réalisme magique, à un manga lent et lumineux. Les couleurs sont franches, les cadres soignés, les gags surgissent sans prévenir, et l’ensemble reste pourtant fluide, aérien, délicat. Il n’y a ni suspense, ni morale, juste le rythme du thé qui infuse, lentement.
🎥 Une galerie de visages, entre icônes et découvertes
La distribution est un trésor pour les amoureux du cinéma japonais. Tadanobu Asano incarne un oncle cool et discret, aux côtés de Satomi Tezuka, Tomokazu Miura, Maya Banno et Takahiro Satō. Le film regorge aussi de caméos savoureux. Rinko Kikuchi, future star internationale, y apparaît avec fraîcheur. Anna Tsuchiya, Kirin Kiki, Ken’ichi Matsuyama et même Hideaki Anno (le créateur d’Evangelion) passent furtivement à l’écran, comme des clins d’œil pour les cinéphiles attentifs.
Ce mélange de générations donne au film une dimension presque documentaire : on y sent une transmission, une tendresse intergénérationnelle, un amour du jeu et du cinéma.
🎶 Une bande-son qui sent la résine et le tatami
La musique, signée par le collectif japonais Little Tempo, accompagne le film comme une brise légère. Les percussions douces, les mélodies aux accents de dub et de steel drums créent un écrin sonore parfaitement accordé à la langueur estivale. Yoko Fujita interprète le thème principal, une chanson qui reste dans la tête comme un rêve flou au réveil.
Plus qu’un accompagnement, la bande-son est un personnage à part entière. Elle enlace les images, prolonge les émotions, et laisse un parfum sonore qui persiste longtemps après le générique.
✨ Un film culte qui prend le temps
Lors de sa présentation à Cannes en 2004, le film a reçu une standing ovation. Depuis, il n’a cessé d’être redécouvert, reprogrammé, analysé. Ce succès critique ne tient pas à une mode, mais à une forme rare de sincérité. Ishii filme les petits riens avec un respect immense. Un bol de thé devient un monde. Une attente devient un rite.
Ce cinéma du détail touche au cœur, précisément parce qu’il ne cherche pas à le faire. Il ne force rien. Il observe. Et dans cette observation, il capte quelque chose d’essentiel : le temps qui passe, l’enfance qui s’étire, les adultes qui tâtonnent, les douleurs qui guérissent à peine.
📺 Où voir The Taste of Tea aujourd’hui ?
En France, le film est disponible en VOD chez LaCinetek, et en édition physique via Spectrum Films.
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