Un film silencieux, presque spectral, qui vous enveloppe… puis disparaît, vous laissant seul·e face à vos résonances.

Il y a des films qui vous parlent. Et puis il y a ceux qui vous regardent en silence. Angel’s Egg (天使のたまご), OVA culte de Mamoru Oshii sorti en 1985, fait partie de ces œuvres rares qui préfèrent le vertige à la parole, le mystère à l’explication.
À lire aussi sur dondon.media : ⭐ Quelle est la popularité des anime au Japon ?
Dans cet article, partons à la rencontre de ce rêve éveillé dessiné par Mamoru Oshii et Yoshitaka Amano. Un voyage entre ruines gothiques, mythes bibliques et silences.
🌒 Une fable sans clé
Imaginez une ville oubliée, rongée par l’eau et le temps. Une enfant y marche, tenant contre elle un œuf fragile, mystérieux. Un garçon — silhouette longiligne armée d’un bâton en forme de croix — l’accompagne. Leurs échanges sont rares. Leurs pas, incertains. Et autour d’eux, des cathédrales rouillées, des poissons-fantômes, des fossiles d’anges…
Plus qu’un récit, Angel’s Egg est une hypnose. On ne suit pas une intrigue, on glisse dans une sensation. L’image dit plus que les mots. Le silence pèse autant que la musique. Et ce que l’on croit comprendre s’effrite aussitôt.
🕯 Pourquoi Angel’s Egg est culte… et dérangeant
Dans les années 80, l’animation japonaise explose d’énergie, de dialogues effervescents, d’actions trépidantes. Oshii fait tout l’inverse : Angel’s Egg se compose d’environ 400 plans seulement (trois fois moins qu’un animé classique), très peu de dialogues, et une narration qui se construit par le vide. Une audace radicale, presque méditative.
🖤 Amano, l’esthétique à vif
Derrière chaque image, la patte inimitable de Yoshitaka Amano. Profils fins, atmosphères gothiques, textures liquides : son art ne se contente pas d’habiller le film, il en est la chair même. Ici, il ne s’agit pas de “charadesign”, mais bien d’une vision intégrale, poétique, sensuelle.
L’association entre Oshii et Amano, née après l’abandon d’un projet plus “léger”, donne naissance à un objet filmique pur, hors du temps, presque sacré.
✝️ Une Bible démontée
Déluge, arche, croix, ange fossilisé… L’imagerie chrétienne est omniprésente, mais jamais didactique. Oshii ne prêche pas. Il utilise les symboles comme on manipule des maquettes : pour explorer le doute, la mémoire, la foi trouée. L’œuf devient une parabole : croire, est-ce porter… ou casser ?
🌊 À quoi ça ressemble ? Une esthétique unique
Des bâtiments baroques rongés par l’humidité. Un soleil qui grince comme une machine rouillée. Des ombres de poissons chassées par des hommes en ciré, vaines silhouettes de Sisyphe.
L’influence de Tarkovski (Stalker, Nostalghia) est manifeste : plans longs, silences pesants, foi fuyante. Mais Angel’s Egg ne copie rien ni personne. Il médite. Il flotte. Il pèse. Il attend.
📽 Pourquoi (et comment) le voir en 2025
Longtemps introuvable ailleurs qu’en VHS granuleuse ou sur des copies piratées, Angel’s Egg refait surface. GKIDS a lancé une restauration 4K, avec projections en salle et diffusion en festival. Voir ce film dans le silence d’un cinéma, c’est revenir à son essence : un rituel. Une offrande.
Le film ne donne pas de réponses. Mais il pose des questions, sous forme d’images :
- Foi ou illusion ? L’œuf contient-il vraiment quelque chose ? Ou est-ce notre besoin de croire qui le remplit ?
- Mémoire fossilisée. La ville est un musée de symboles vides. On erre dans les restes d’un monde qui ne sait plus pourquoi il croit.
- Gravité sensorielle. Le moindre mouvement semble peser. Même la musique — liturgique, minérale — épouse cette lenteur aquatique.
📌 Pour ne rien rater de l’actualité du Japon par dondon.media : suivez-nous via Google Actualités, X, E-mail ou sur notre flux RSS.