On l’a tous vu sans trop savoir qui il est : un vieux parapluie qui saute sur une jambe, tire une longue langue et nous observe de son œil.

Le karakasa-obake (傘おばけ), aussi connu sous le nom de kasa-obake ou karakasa-kozō, est l’un des yōkai les plus reconnaissables du folklore japonais.
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Mais au-delà de sa silhouette cartoonesque, il cache une histoire bien plus riche, drôle… et même un peu philosophique.
🎐 Les tsukumogami : quand les objets prennent vie
Dans la mythologie japonaise, les tsukumogami sont des objets du quotidien qui, après cent ans d’existence, s’éveillent à la conscience. Le karakasa-obake en est un représentant vedette : un vieux wagasa (parapluie traditionnel en papier huilé) qu’on aurait négligé ou jeté, et qui revient hanter – ou plutôt taquiner – les humains.
Cette croyance trouve ses racines dans des textes anciens comme le Tsukumogami ki, et rappelle une leçon universelle : ce que nous abandonnons n’est jamais vraiment perdu… et pourrait bien revenir, littéralement, nous tirer la langue. C’est une manière toute japonaise de prôner le respect des objets et d’alerter sur le gaspillage.
👁️ Portrait express d’un parapluie farceur
Le karakasa-obake est aussi reconnaissable que facétieux. Voici à quoi il ressemble :
- Forme : un vieux parapluie japonais (karakasa)
- Traits : un seul œil géant, une langue pendante, une jambe unique (souvent chaussée d’un geta), parfois deux bras, selon les époques et les artistes
- Tempérament : plus blagueur que maléfique – son plaisir ? Vous faire sursauter !
Pas de bains de sang ici : ce yōkai est plutôt du genre à surgir dans un couloir, vous donner une petite léchouille, puis disparaître en gloussant.
Une version « gosse », le karakasa-kozō, ou le plus sinistre hone-karakasa (le parapluie « décharni ») sont parfois mentionnés dans les recueils anciens.
🖼️ D’estampe en joystick : le karakasa devient pop
Dès le Moyen Âge, le karakasa-obake hante les emaki (rouleaux illustrés), notamment ceux consacrés au Hyakki Yagyō, la « Parade nocturne des cent démons ».
Mais c’est à l’époque d’Edo que sa silhouette prend vraiment forme et se répand, grâce à des artistes comme Toriyama Sekien, qui le consigne dans ses célèbres bestiaires imprimés.
Ces images sont reprises dans des jeux traditionnels comme l’obake karuta ou le sugoroku, preuve que le yōkai parapluie était déjà une star du divertissement.
🎮 Dans les jeux vidéo et l’animation
Le karakasa-obake saute aujourd’hui d’écran en écran :
- GeGeGe no Kitarō : il est un personnage récurrent de la saga culte de Shigeru Mizuki.
- Touhou Project : Kogasa Tatara, version féminine du karakasa, tente de faire peur aux humains – souvent sans succès.
- Nioh / Nioh 2 : en tant qu’ennemi, il bondit et pique dans un clin d’œil au folklore.
- Ghostwire: Tokyo : il revient dans une version plus satirique, comme symbole des objets rejetés dans une société de consommation effrénée.
💡 Une icône qui fait rire et un peu peur
Pourquoi le karakasa-obake fascine-t-il autant ? Peut-être parce qu’il résume à lui seul une philosophie japonaise du respect des objets. En incarnant un objet oublié qui revient à la vie, il critique notre obsolescence programmée, notre tendance à jeter, oublier, remplacer.
Il est aussi un miroir : à travers l’humour, il nous invite à reconsidérer notre rapport aux choses. Peut-on rire de nos habitudes de consommation tout en en tirant une leçon ? Le karakasa-obake répond oui, en bondissant sur une jambe.
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