Morsures de habu à Okinawa : leur fréquence, leur gravité, les zones à risque, et pourquoi elles ne sont plus synonymes de mort.

À Okinawa, difficile de passer à côté du habu, ce serpent venimeux devenu presque une légende locale.
On en parle dans les izakaya autour d’un verre de habushu, on le redoute sur les sentiers de randonnée, et ses panneaux d’avertissement ponctuent les routes rurales.
Une menace surestimée ? Les chiffres parlent
Depuis les années 2000, les données sont claires : le nombre de morsures de serpents est modéré, et les décès ont disparu du paysage médical.
En moyenne, la préfecture d’Okinawa recense entre 50 et 70 morsures par an. C’est peu comparé aux décennies passées : dans les années 1960-1980, on dépassait les 500 cas par an. En 2018, on est même passé sous la barre des 50.
Mieux encore : aucun décès enregistré depuis l’an 2000. Autrement dit, si le risque existe toujours, il est aujourd’hui fortement maîtrisé.
Pourquoi meurt-on (presque) plus ?
Trois leviers majeurs ont changé la donne ces dernières décennies.
D’abord, la mise en place d’un réseau hospitalier bien préparé, avec des stocks d’antivenin dans les hôpitaux clés de l’archipel. Ce maillage permet une réponse rapide, même dans les zones rurales.
Ensuite, la modernisation des secours : appel au 119, transport rapide vers les structures de soins, protocoles rodés. Au siècle dernier, la létalité approchait les 10 % ; elle est tombée sous les 1 % au début des années 2010.
Enfin, l’efficacité du sérum antivenimeux produit localement — spécifiquement contre le venin du habu — fait toute la différence. Fabriqué par KM Biologics (ex-Kaketsuken), il est à la fois ciblé et bien toléré.
Où le danger se cache-t-il vraiment ?
Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas dans la jungle profonde que les morsures sont les plus fréquentes. Les données les plus précises, notamment celles de 2019, montrent une tout autre réalité.
La majorité des cas ont lieu à proximité des habitations, dans des jardins, cours ou alentours immédiats. Les zones agricoles viennent ensuite, notamment dans les champs de canne à sucre ou d’ananas. On retrouve également un nombre significatif de morsures… sur les routes. En revanche, les forêts et broussailles ne comptent que pour une minorité des cas.
Ce constat rappelle une chose essentielle : le risque est bien souvent domestique ou quotidien. Le habu n’est pas qu’un serpent de montagne ; c’est un voisin discret, parfois installé sous une tôle, dans un tas de feuilles ou un vieux mur.
À quels moments faut-il être le plus vigilant ?
Le habu est un serpent nocturne, qui sort avec la chaleur et l’humidité. Les soirées et les nuits chaudes, particulièrement en été et à l’automne, sont donc des périodes à risque.
Mais le paradoxe, c’est que de nombreuses morsures ont lieu en journée, notamment pendant les travaux agricoles. En manipulant des débris, en taillant une haie ou en marchant dans une herbe haute, il est facile de surprendre un habu au repos.
Les statistiques locales montrent deux pics saisonniers : l’un en automne, quand les températures sont encore élevées et l’activité du serpent reste forte, et l’autre en début d’été, lors des premières grosses chaleurs.
Qui est le plus exposé ?
Les populations les plus touchées correspondent aux environnements évoqués plus haut.
En tête : les travailleurs agricoles, notamment dans les exploitations de canne à sucre, d’ananas ou les vergers. Les randonneurs, surtout ceux qui sortent des sentiers battus ou qui marchent la nuit, sont également exposés. Enfin, les habitants vivant à la lisière des zones rurales, avec des cours encombrées ou des murs de pierres sèches, sont dans des environnements propices aux cachettes de serpents.
Ce n’est donc pas un hasard si ces profils recoupent presque parfaitement la répartition géographique des morsures recensées.
Mordu : à quoi s’attendre ?
Le venin du habu est particulièrement redoutable par ses effets locaux. Il est à la fois hémotoxique (il agit sur le sang) et myonécrosant (il détruit les tissus musculaires). Les conséquences peuvent aller d’un gonflement sévère et douloureux à des nécroses parfois durables.
Les cas graves nécessitent plusieurs semaines d’hospitalisation, parfois jusqu’à un mois. Et même sans gravité vitale, les séquelles musculaires — perte de mobilité, douleur chronique — sont loin d’être rares. D’où l’importance d’un traitement le plus rapide possible.
Les 4 espèces à connaître
On parle souvent du habu comme s’il n’y avait qu’un seul serpent. En réalité, quatre espèces venimeuses sont présentes à Okinawa, et toutes peuvent causer des morsures graves :
- Le habu proprement dit (Protobothrops flavoviridis), le plus répandu.
- Le hime-habu (Ovophis okinavensis), plus discret.
- Le Sakishima-habu (Protobothrops elegans), présent dans les îles du même nom.
- Le Taiwan-habu (Protobothrops mucrosquamatus), espèce introduite dans le nord d’Okinawa.
Mieux vaut prévenir… Quelques gestes simples
En randonnée ou dans les zones rurales, quelques précautions font toute la différence.
Une lampe frontale dès la tombée de la nuit, des chaussures montantes plutôt que des sandales, et éviter les herbes hautes suffisent à éloigner la majorité des risques. Ne jamais glisser la main dans un tas de feuilles ou entre des pierres est une règle d’or.
Autour de la maison, il est conseillé de désherber régulièrement, éviter l’encombrement, boucher les trous dans les murs, et limiter la présence de rongeurs — qui attirent eux-mêmes les habu.
Enfin, en cas de rencontre, se tenir à plus d’un mètre cinquante garantit d’éviter une morsure : la portée de frappe du serpent ne va pas au-delà.
En cas de morsure : agir vite, mais calmement
Pas de panique, mais pas de temps à perdre non plus.
Il faut immédiatement contacter les secours (119) ou se rendre à l’hôpital par un moyen motorisé. Courir est déconseillé. Le membre atteint doit être immobilisé. Si l’arrivée des secours prend du temps, une bande large et non serrée peut être posée, à relâcher régulièrement.
Il ne faut surtout pas pratiquer de garrot fin, pas inciser, ni aspirer la plaie.
L’antivenin est disponible dans de nombreux hôpitaux de l’archipel. Les équipes sont formées et les protocoles, bien rodés. Le pronostic est bon si l’on agit rapidement.
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