Chaque année, à la tombée de la nuit du 16 août, Kyōto s’illumine d’une manière unique au monde.

Ce ne sont ni des feux d’artifice ni un spectacle de son et lumière, mais quelque chose de bien plus profond : des caractères géants, tracés en flammes sur les flancs des montagnes, s’élèvent dans le ciel comme des messages adressés aux esprits.
Le Gozan no Okuribi, qu’on appelle souvent simplement “Daimonji”, n’est pas un événement festif mais un rituel bouddhique empreint de respect, de silence et d’émotion.
✨ Une chorégraphie de feu millimétrée
À Kyōto, le 16 août à 20 heures précises, le premier feu s’allume. Il forme le caractère 大 (“Dai” – qui signifie “grand”) sur les hauteurs de Higashiyama. Cinq minutes plus tard, c’est au tour du duo 妙・法 (“Myo” et “Ho”, signifiant ensemble “enseignement merveilleux”) d’illuminer deux collines proches. À 20h10, c’est le motif du bateau, 船形 (Funagata), qui s’enflamme, suivi à 20h15 par 左大文字 (Hidari-Daimonji), une autre version du caractère “Dai” orientée différemment. Enfin, à 20h20, 鳥居形 (Toriigata), la silhouette d’un torii, apparaît du côté d’Arashiyama.
Chaque feu brûle pendant une trentaine de minutes. Vers 20h30, les différents kanji sont encore visibles en même temps depuis certains points de la ville, créant une impression d’écho visuel, comme si Kyōto tout entière entrait en conversation avec l’au-delà.
Ce rituel marque la fin de la période d’Obon, ces quelques jours où les esprits des défunts sont censés revenir auprès des vivants.
Les “okuribi”, littéralement “feux d’au revoir”, servent à raccompagner ces âmes dans l’autre monde, avec respect et solennité. Il ne s’agit donc pas d’un événement touristique, mais d’un adieu sacré, partagé par une ville entière.
L’origine exacte de la cérémonie reste floue. Certains historiens évoquent des racines remontant à l’époque Muromachi ou Edo. Quoi qu’il en soit, le cœur du rite, lui, reste immuable : Kyōto suspend son souffle et adresse un dernier regard enflammé à ses morts.
👀 Comment admirer les feux sans nuire à l’expérience
Kyōto, ce soir-là, n’est ni un festival de rue ni un stade à ciel ouvert. Il est essentiel de se montrer discret, respectueux et attentif.
L’accès aux collines d’où partent les feux est formellement interdit, non seulement pour préserver la sécurité, mais aussi pour ne pas troubler la signification spirituelle du moment.
Les berges de la rivière Kamo offrent de bons points d’observation, notamment pour le grand caractère “Dai”. Les quartiers de Matsugasaki et Takaragaike permettent de voir “Myo” et “Ho”, tandis que Funaokayama est un excellent spot pour le feu en forme de bateau. Vers Nishijin, on peut observer Hidari-Daimonji, et Arashiyama offre une belle perspective sur le torii enflammé.
Les transports sont souvent saturés en début et en fin de soirée, mieux vaut donc arriver tôt et repartir tard. Pour celles et ceux qui préfèrent éviter la foule, la retransmission en direct sur les chaînes locales KBS Kyoto et BS11 offre une alternative paisible depuis chez soi.
Si vous êtes rapide et bien organisé, il est possible d’enchaîner l’observation de plusieurs feux :
- Par exemple, en commençant à Demachiyanagi pour voir “Dai” à 20h00, puis en prenant le métro vers Matsugasaki, vous pourrez attraper “Myo” et “Ho” à 20h05.
- Une autre option consiste à commencer le long de la rivière Kamo pour le premier feu, puis marcher vers Funaokayama pour admirer le bateau enflammé.
🌌 Ce que racontent les symboles enflammés
Chaque motif porté en feu sur les montagnes de Kyōto a sa propre signification. Le caractère 大, “Dai”, est sans doute le plus iconique. Il est associé à la grandeur de l’esprit et à la portée universelle du message. 妙 et 法, visibles ensemble, forment l’expression “enseignement merveilleux”, une référence directe aux principes bouddhistes.
Le motif en forme de bateau, 船形, symbolise la traversée vers l’au-delà. Le second “Dai”, tourné dans l’autre sens, vient renforcer cette idée d’un cycle, d’un miroir. Quant au torii flamboyant, 鳥居形, il représente le passage entre le monde visible et invisible, une porte sacrée vers l’inconnu.
🧠 Un événement vivant, entre tradition et adaptation
Même en période de crise, comme lors de la pandémie en 2020, le Gozan Okuribi a été maintenu dans une version réduite, avec peu ou pas de spectateurs. Cette sobriété n’était pas une contrainte mais un rappel puissant que l’essence de ce rite ne réside pas dans sa mise en scène mais dans l’intention qui l’anime.
Aujourd’hui encore, Kyōto insiste sur la nature spirituelle de l’événement : ce n’est ni une attraction ni un divertissement, mais une cérémonie partagée. C’est pourquoi la ville encourage les visiteurs à observer en silence, à éviter les comportements bruyants ou intrusifs, et à se rappeler qu’ils assistent à une forme d’adieu collectif.
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