Si cela se confirme, le Japon pourrait entrer dans une course à la surenchère identitaire, comme on l’a vu en Europe ou aux États-Unis.

Le Japon vit un tournant politique inattendu. Un nouveau parti, né sur YouTube il y a seulement cinq ans, vient de faire irruption au Sénat avec un message choc : nationalisme, rejet de l’immigration, antivax et promesses de retour aux « vraies valeurs ».
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Ce phénomène s’appelle Sanseito, et il pourrait bien redessiner le paysage politique japonais.
Une ascension éclair depuis le web
Tout commence sur YouTube. Sohei Kamiya, ancien gérant de supérette reconverti en vidéaste politique, y défend une vision du Japon ultra-conservatrice. Il s’attaque à l’immigration, dénonce les élites et vante un retour à l’agriculture bio tout en rejetant le développement durable et la transition énergétique. Son slogan ? « Japan First », calqué sur celui de Donald Trump.
Le 20 juillet 2025, cette mouvance marginale réalise un exploit électoral : deux à quinze sièges au Sénat. Un véritable uppercut pour la coalition au pouvoir (PLD-Komeito), qui perd sa majorité.
Pourquoi maintenant : crise sociale explosive
Tout commence sur les réseaux, dans une niche qui semblait, à ses débuts, marginale. Sohei Kamiya, un ancien enseignant d’anglais et gérant de supérette, lance sa chaîne YouTube avec des messages tranchants sur le Japon d’aujourd’hui. Il y développe une vision ultra-conservatrice du pays, dénonçant pêle-mêle les élites, les étrangers, les normes écologiques et les vaccins. Ce discours, bien que polémique, trouve un écho croissant, notamment parmi les classes moyennes précarisées.
Le 20 juillet 2025 marque un tournant : Sanseito passe de deux à quinze sièges au Sénat. C’est un coup dur pour la coalition PLD-Komeito, qui perd sa majorité dans la chambre haute. Ce succès n’est pas tant une surprise qu’un symptôme : quelque chose s’est fissuré dans le consensus politique japonais.
Le succès de Sanseito ne peut se comprendre sans revenir sur le contexte économique délétère. Le Japon subit une inflation persistante, avec un yen faible face au dollar, rendant les importations de denrées alimentaires particulièrement coûteuses. Les salaires réels baissent depuis plusieurs mois, accentuant la précarité de nombreux foyers.
Ce terrain économique tendu est propice à l’émergence d’un discours de rejet. Le parti Sanseito avance que la présence d’une main-d’œuvre étrangère bon marché empêche toute revalorisation salariale. Ce message, simpliste mais percutant, séduit des électeurs qui peinent à joindre les deux bouts. Nombreux sont ceux qui, comme cette informaticienne précaire de 44 ans à Shinagawa, affirment que Sanseito « dit tout haut ce qu’ils n’osaient pas formuler ».
Le discours calibré pour le ressentiment
Sanseito ne s’embarrasse pas de demi-mesures :
- Contre l’immigration : « Les étrangers coûtent cher et volent les emplois. »
- Antivax et anti-masques : le parti a capitalisé sur les thèses complotistes nées pendant le Covid.
- Révisionniste : il glorifie l’Empire japonais et nie certaines violences historiques.
- Pro-russe : certains discours laissent transparaître une admiration pour Vladimir Poutine.
Ce cocktail trouble séduit une frange croissante de l’électorat frustré, et s’appuie sur des réseaux automatisés, amplifiés par des bots russes selon plusieurs enquêtes.
Sohei Kamiya : le tribun populiste
Le visage de cette poussée populiste est Sohei Kamiya. Né en 1977, diplômé en droit, il a connu de nombreux métiers avant de devenir une figure politique. Son style est direct, provocateur, sans filtres. Il parle de l’Empire japonais avec nostalgie, remet en question des pans entiers de l’histoire officielle et n’hésite pas à afficher une certaine sympathie pour la Russie.
Dans ses discours, il promet une révision constitutionnelle, un renforcement du budget militaire, la suppression des aides sociales aux étrangers et une baisse des taxes santé. Pour ses partisans, il incarne l’espoir d’un retour à une souveraineté forte ; pour ses détracteurs, il incarne une dérive dangereuse vers l’extrême droite.
Un programme qui mêle nationalisme pur et retour à une vision idéalisée du Japon d’avant.
Un impact bien au-delà de 15 sièges
Avec quinze sièges sur 248, Sanseito reste minoritaire. Mais son impact dépasse largement son poids parlementaire. Il oblige les autres partis, à commencer par le PLD, à se repositionner sur la question migratoire. Des propositions comme « zéro clandestin » ou un renforcement drastique du contrôle des frontières émergent dans le débat. Les ONG tirent la sonnette d’alarme, dénonçant une montée rapide de la xénophobie dans les discours politiques et les comportements sociaux.
Ce virage inquiète aussi les milieux économiques. Les investisseurs étrangers, déjà échaudés par la faiblesse du yen, s’interrogent désormais sur la stabilité politique et la réputation d’ouverture du Japon. La crainte est que le pays entre dans une dynamique de repli identitaire qui freine son attractivité internationale.
Le Premier ministre Ishiba, affaibli par la perte des deux chambres et critiqué pour sa gestion de l’économie, tente de maintenir le cap. Il promet de rester en poste pour affronter l’inflation et relancer les négociations commerciales, notamment avec les États-Unis. Mais il devra désormais composer avec une opposition populiste bruyante, capable de faire dérailler le débat public.
Sanseito pousse donc les partis traditionnels à se repositionner sur des lignes plus dures — un glissement déjà observé en Europe et aux États-Unis.
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