đŸ€– ARCHAX : le premier vrai mecha du Japon

Depuis 2024, ce robot circule dans les allées de Tokyo Big Sight, dispose de vraies homologations.

ARCHAX japon

Si tu as grandi en regardant Gundam, Evangelion ou Transformers, tu connais ce rĂ©flexe trĂšs prĂ©cis : dĂšs qu’apparaĂźt un robot gĂ©ant Ă  l’écran, tu te demandes quand on aura enfin un vrai mecha pilotable dans la vraie vie.

ARCHAX mesure 4,5 mĂštres de haut, pĂšse environ 3,5 tonnes, embarque un cockpit dans la poitrine, se pilote avec deux joysticks, passe d’un mode robot Ă  un mode vĂ©hicule et roule jusqu’à 10 km/h avec 26 articulations au total. Et surtout, il ne sort pas d’un anime, mais des ateliers de Tsubame Industries, Ă  Tokyo.

De Gundam Ă  Fukushima

Le PDG de Tsubame Industries, Ryo Yoshida, a grandi avec les mĂȘmes rĂ©fĂ©rences que toi si tu aimes les robots gĂ©ants : Gundam, Transformers, Evangelion. Si tu veux d’ailleurs replonger dans cet univers, tu peux jeter un Ɠil Ă  la chronologie idĂ©ale de Neon Genesis Evangelion pour te remettre dans l’ambiance.

Sauf que Yoshida ne s’est pas contentĂ© de collectionner des Gunpla. Il a un parcours trĂšs terre Ă  terre, passĂ© par la mĂ©tallurgie et la robotique industrielle, avec une premiĂšre entreprise spĂ©cialisĂ©e dans les piĂšces pour machines-outils avant de lancer Tsubame.

Son objectif tient en deux idées simples :

  1. Condenser dans un objet réel plusieurs forces du Japon : animation, jeux vidéo, robotique, automobile.
  2. RĂ©pondre Ă  des usages concrets, en particulier le secours en cas de catastrophe et l’industrie spatiale.

En arriĂšre-plan, il y a un contexte que le Japon connaĂźt intimement : le tremblement de terre de Kobe en 1995, le tsunami de 2011, Fukushima. À chaque fois, des zones instables, parfois contaminĂ©es, oĂč l’on a fini par envoyer des humains avec des combinaisons bricolĂ©es et des robots pas vraiment adaptĂ©s.

ARCHAX est pensĂ© pour s’intercaler exactement lĂ  : quand envoyer un humain est encore possible mais extrĂȘmement risquĂ©, et quand les machines classiques ne sont pas assez fines ou pas assez flexibles.

Tsubame affiche quatre grands cas d’usage cibles : recherche et sauvetage aprĂšs catastrophe, dĂ©molition lourde et dĂ©blaiement, dĂ©mantĂšlement nuclĂ©aire et tests au sol pour de futures bases lunaires. Autrement dit, le robot n’est pas lĂ  pour remplacer l’ouvrier de chantier moyen, mais pour remplacer l’humain qu’on envoie quand on n’a « rien d’autre » Ă  mettre en premiĂšre ligne.

ARCHAX en chiffres

Avant d’imaginer ce que tu pourrais faire Ă  l’intĂ©rieur, regardons la fiche technique, parce que c’est elle qui dit si le rĂȘve tient debout.

ARCHAX affiche une hauteur d’environ 4,5 mĂštres, pour un poids compris entre 3,5 et 3,85 tonnes selon la configuration. Il fonctionne en deux modes distincts : un mode robot debout et un mode vehicle oĂč le buste s’abaisse et les jambes se repositionnent. En mode vĂ©hicule, il peut rouler jusqu’à 10 km/h.

La machine dispose de 26 degrĂ©s de libertĂ© au total, rĂ©partis entre les bras, les mains articulĂ©es, le buste, les jambes et le cou. L’énergie est fournie par une batterie haute tension de 300 V en courant continu, et la structure combine un chĂąssis acier et aluminium avec des carĂ©nages en plastique renforcĂ© de fibre (FRP) et certaines piĂšces imprimĂ©es en 3D.

La transformation entre le mode robot et le mode vĂ©hicule n’est pas qu’un gimmick pour salon. Les jambes avant s’étirent, le torse descend, les bras viennent se replier pour Ă©viter de tout accrocher au passage. En mode robot, tu gagnes en maniabilitĂ© des bras et en visibilitĂ© verticale. En mode vĂ©hicule, tu privilĂ©gies le franchissement, les dĂ©placements vers ou depuis la zone de travail.

Pour l’instant, ARCHAX roule sur des pneus classiques. Certains ingĂ©nieurs plaident dĂ©jĂ  pour des chenilles ou des roues dĂ©formables de type tweels pour mieux gĂ©rer les dĂ©combres, la neige ou les terrains trĂšs instables. Mais Tsubame vise un compromis assumĂ© : un engin suffisamment routier pour rejoindre certains sites par ses propres moyens, sans convois exceptionnels systĂ©matiques. Une fois le travail terminĂ©, le robot peut d’ailleurs ĂȘtre dĂ©montĂ© en modules pour ĂȘtre chargĂ© sur un camion.

Un cockpit de SF pensé comme un vrai poste de travail

C’est Ă  l’intĂ©rieur qu’ARCHAX active vraiment ton mode « gamin devant un anime ».

Le cockpit est installĂ© dans le thorax du robot, accessible par une Ă©chelle frontale. Le panneau de poitrine bascule comme une trappe de cockpit d’avion de chasse. Une fois installĂ©, tu t’installes dans un siĂšge baquet avec harnais, dans une cabine climatisĂ©e annoncĂ©e comme capable de tenir une vraie journĂ©e de travail avec les packs batterie prĂ©vus.

Autour de toi, l’interface se dĂ©coupe en plusieurs Ă©lĂ©ments.

Tu disposes de deux joysticks principaux pour piloter les bras et les mains, avec une finesse suffisante pour commander individuellement les doigts articulĂ©s. Deux pĂ©dales servent au dĂ©placement, Ă  la rotation ou Ă  des fonctions contextuelles. Un Ă©cran tactile latĂ©ral permet de gĂ©rer les modes, de commander la tĂȘte, de surveiller les paramĂštres systĂšme.

Et surtout, quatre Ă©crans affichent en continu les flux de neuf camĂ©ras rĂ©parties sur la machine, offrant une vision Ă  360 degrĂ©s. Il n’y a pas de hublot ni de vision directe sur l’extĂ©rieur. Tout passe par la vidĂ©o et la vision augmentĂ©e.

Ce choix est loin d’ĂȘtre anodin. LĂ  oĂč beaucoup d’exosquelettes et de robots pilotĂ©s tentent de conserver un contact direct avec le monde rĂ©el, ARCHAX assume la mĂ©diation complĂšte par camĂ©ra. Cela ouvre trĂšs naturellement la porte Ă  des filtres (vision nocturne, infrarouge, filtres de radiation), Ă  des superpositions d’informations (plans, zones interdites, trajectoires suggĂ©rĂ©es), et au basculement rapide vers une tĂ©lĂ©-opĂ©ration avec un cockpit vide.

Si les interfaces de mecha te fascinent, tu peux prolonger le voyage cÎté anime avec le Top des modÚles pour bien débuter dans le Gunpla, histoire de passer de la maquette au mecha grandeur nature.

Devenir le robot

Tsubame insiste beaucoup sur un concept central : l’onboard operation. L’objectif est que le pilote ait la sensation trĂšs claire d’ĂȘtre devenu le robot, plutĂŽt que de tĂ©lĂ©commander une machine extĂ©rieure.

Pour ça, trois leviers sont combinés.

D’abord, la correspondance des gestes. Les mouvements des joysticks se traduisent directement dans ceux des bras et des mains, et les doigts reproduisent en temps rĂ©el la finesse des commandes. Le retour de force permet au pilote de sentir la prise, la rĂ©sistance d’un matĂ©riau, le poids approximatif de ce qu’il manipule.

Ensuite, l’immersion visuelle. Avec neuf camĂ©ras et quatre Ă©crans couvrant l’ensemble de l’environnement, la perception est continue. En supprimant toute fenĂȘtre physique, Tsubame Ă©vite aussi un phĂ©nomĂšne classique de mal des transports, liĂ© aux contradictions entre ce que voient les yeux et ce que perçoit l’oreille interne.

Enfin, la continuitĂ© vers la tĂ©lĂ©-opĂ©ration. Le mĂȘme ensemble d’interface peut ĂȘtre utilisĂ© avec un cockpit vide, depuis une base arriĂšre ou un bunker Ă  plusieurs centaines de kilomĂštres, tant que le rĂ©seau et la latence suivent. Pour toi, cela signifie qu’un mĂȘme robot peut ĂȘtre utilisĂ© d’abord en mode embarquĂ©, pour les tests, les dĂ©monstrations ou les zones seulement modĂ©rĂ©ment dangereuses, puis basculer en mode tĂ©lĂ©-opĂ©rĂ© lorsque le risque devient critique.

C’est exactement le genre de scĂ©narios qu’on imagine pour des robots opĂ©rant un jour sur la Lune ou sur Mars, pilotĂ©s depuis des bases pressurisĂ©es.

Outil professionnel ou jouet ?

C’est probablement la question que tu te poses dĂ©jĂ . ARCHAX est-il une vraie machine de travail ou un caprice de milliardaire fan de mecha ?

Le prix public annoncĂ© tourne entre 2,7 et 3 millions de dollars l’unitĂ©, avec une premiĂšre sĂ©rie trĂšs limitĂ©e de cinq exemplaires. Tsubame ne s’en cache pas : au dĂ©but, l’entreprise vise clairement le marchĂ© des ultra-riches qui achĂštent dĂ©jĂ  des supercars et des jets privĂ©s.

D’oĂč une ambiguĂŻtĂ© permanente. D’un cĂŽtĂ©, un objet statutaire parfait pour un collectionneur de robots gĂ©ants. De l’autre, un discours extrĂȘmement sĂ©rieux sur la sĂ©curitĂ© industrielle, les normes ISO et JIS, les analyses de risques et la capacitĂ© Ă  intervenir sur des sites dangereux.

Un Ă©lĂ©ment intĂ©ressant, toutefois : en 2024, Tsubame ne s’est pas contentĂ©e de faire tourner ARCHAX sur des salons. L’entreprise a lancĂ© un service de leasing et a mis le robot sur une plateforme de vente globale orientĂ©e vĂ©hicules d’exception. On passe du one-shot d’artiste Ă  une logique de parc de machines louĂ©es, maintenues, mises Ă  jour.

Sur ce point, ARCHAX rappelle un peu les dĂ©buts de certains robots humanoĂŻdes d’Agility Robotics ou de Figure : prix dĂ©lirant, volumes ridicules, mais trajectoire affichĂ©e vers des usages utilitaires et une baisse progressive des coĂ»ts. La diffĂ©rence, c’est l’échelle. ARCHAX ne cherche pas Ă  ĂȘtre un humain bis lĂ©ger, mais un engin lourd qui peut jouer dans la mĂȘme cour qu’une pelle mĂ©canique, un bulldozer ou un robot spĂ©cialisĂ©.

Si l’idĂ©e de se battre dans un exosquelette t’intrigue, tu peux d’ailleurs comparer avec un projet plus ludique dans cet exosquelette japonais qui permet de boxer contre des robots. ARCHAX, lui, vise clairement la catĂ©gorie au-dessus.

Que peut faire ARCHAX sur un vrai chantier ?

Tout ça est séduisant sur le papier, mais à quoi sert concrÚtement un mecha de 4,5 mÚtres en conditions réelles ?

Démolition lourde et interventions sur structures fragilisées

Avec environ 3,5 tonnes de masse et des bras articulĂ©s conçus pour manipuler des charges significatives, ARCHAX se rapproche plus d’un engin de chantier que d’un simple exosquelette de manutention. En l’équipant d’outils adaptĂ©s comme une pince de dĂ©molition, un coupe-boulons hydraulique, un grappin ou un canon Ă  eau haute pression, il pourrait dĂ©molir par morceaux des structures fragilisĂ©es, manipuler des Ă©lĂ©ments instables ou intervenir lĂ  oĂč la finesse du geste humain est utile, mais oĂč la proximitĂ© serait trop dangereuse.

Déblaiement et secours post-catastrophe

C’est l’image la plus intuitive : un robot bipĂšde gĂ©ant qui fouille les ruines aprĂšs un tremblement de terre. Les 26 degrĂ©s de libertĂ© permettent des gestes modulĂ©s, et la vision multi-camĂ©ra est idĂ©ale pour se faufiler entre des obstacles.

Dans un scĂ©nario type, ARCHAX arrive en mode vĂ©hicule dans une zone partiellement accessible, passe en mode robot pour franchir des gravats, pousser des dĂ©bris, soulever des dalles, puis utilise ses mains pour dĂ©gager des victimes, avec le retour de force comme garde-fou pour ne pas Ă©craser ce qu’il manipule. Le mode tĂ©lĂ©-opĂ©rĂ© permet de travailler dans des atmosphĂšres toxiques, sous risque d’effondrement, ou Ă  proximitĂ© de foyers encore actifs.

DémantÚlement nucléaire

AprĂšs Fukushima, le Japon a dĂ©couvert Ă  quel point il est compliquĂ© de combiner rĂ©sistance Ă  la radiation, mobilitĂ© fine et capacitĂ© Ă  manipuler des Ă©quipements dans des environnements confinĂ©s et dĂ©gradĂ©s. Beaucoup de robots classiques s’y sont cassĂ© les dents, parfois littĂ©ralement.

Un engin comme ARCHAX change l’équation. Le cockpit peut rester vide, ce qui supprime totalement la dose de radiation reçue par l’opĂ©rateur. Le chĂąssis peut ĂȘtre surblindĂ© ou recouvert de revĂȘtements spĂ©ciaux sans se soucier du confort humain. Le robot peut porter des outils lourds et les positionner avec prĂ©cision, tout en restant pilotable Ă  distance.

Préfigurer les chantiers lunaires

L’espace revient souvent dans les interviews de Tsubame. ARCHAX est vu comme une plateforme d’expĂ©rimentation pour les robots qui construiront un jour des bases sur la Lune.

À cette Ă©chelle, un robot de 4,5 mĂštres encaisse mieux les irrĂ©gularitĂ©s du terrain, manipule des modules volumineux, et offre une interface de tĂ©lĂ©prĂ©sence dĂ©jĂ  bien rodĂ©e. MĂȘme si cette version prĂ©cise d’ARCHAX ne verra probablement jamais la surface lunaire, son architecture peut servir de base Ă  une famille de robots dĂ©diĂ©s Ă  l’exploration et Ă  la construction off-world.

Limites, critiques et questions qui fĂąchent

Tout n’est Ă©videmment pas parfait dans ARCHAX, et si tu imagines dĂ©jĂ  en voir un Ă  chaque coin de rue, il faut tempĂ©rer un peu.

Sur la mobilitĂ©, d’abord. Dix kilomĂštres par heure sur du plat, quatre roues et un centre de gravitĂ© Ă©levĂ©, ce n’est pas exactement un roi du franchissement extrĂȘme. Dans certains types de dĂ©combres, un engin de 3,5 tonnes peut devenir plus dangereux qu’utile. D’oĂč les propositions d’alternatives comme des chenilles, des tweels ou des architectures mixtes, qui pourraient mieux encaisser certains terrains.

Le coĂ»t et la maintenance sont une autre bombe Ă  retardement. À prĂšs de 3 millions de dollars, un seul exemplaire d’ARCHAX se compare Ă  un parc entier de machines plus spĂ©cialisĂ©es : pelleteuses, robots dĂ©mineurs, plateformes Ă©lĂ©vatrices, mini-robots explorateurs. Et la maintenance d’un systĂšme qui combine mĂ©canique lourde, Ă©lectronique de puissance, vision embarquĂ©e et logiciel temps rĂ©el n’a rien d’anodin.

Enfin, il reste la question de la forme. ARCHAX assume complĂštement une silhouette humanoĂŻde, avec torse, bras et jambes. Techniquement, ce n’est pas toujours le meilleur choix. Un robot Ă  bras articulĂ©s montĂ©s sur base chenillĂ©e sera souvent plus efficace et moins cher. Mais la forme joue un rĂŽle psychologique et ergonomique important. Pour l’opĂ©rateur, elle rend plus intuitif le lien entre ses gestes et ceux de la machine. Pour le public, elle crĂ©e une figure lisible, qui s’intĂšgre plus facilement dans l’imaginaire collectif.

On peut voir ARCHAX comme une interface spectaculaire autour de briques technologiques trĂšs sĂ©rieuses : contrĂŽle, tĂ©lĂ©-opĂ©ration, sĂ©curitĂ© fonctionnelle, intĂ©gration d’outils. Ces briques pourront ensuite ĂȘtre rĂ©utilisĂ©es dans des machines plus prosaĂŻques, moins photogĂ©niques, mais tout aussi utiles.

Soyons honnĂȘtes : Ă  court terme, ARCHAX sera surtout une star de salon, un dĂ©monstrateur impressionnant dans des Ă©vĂ©nements comme le Japan Mobility Show, un « jouet sĂ©rieux » pour quelques clients trĂšs fortunĂ©s, et une vitrine mondiale pour la robotique japonaise pilotable.

Mais il marque surtout un basculement symbolique. Pour la premiÚre fois, un robot anthropomorphe lourd est pensé dÚs le départ comme un outil de travail en environnement hostile, avec un vrai discours sur les normes de sécurité, un continuum onboard / télé-opération bien réfléchi, et un début de cycle commercial crédible entre vente et location.

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Auteur/autrice : Louis Japon

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